2 - La rencontre

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Thalion

Avril 1424 - Tavernes de Dahlia

Je me bourre de la gueule, encore une fois. Le goût amer de l'alcool brûle ma gorge, laissant une chaleur passagère qui contraste avec le froid intérieur qui me ronge. Si je devais recommander une seule activité pour échapper à la misère, ce serait bien de se saouler. Chaque gorgée est un pas de plus vers l'oubli, un refuge temporaire dans une brume d'ivresse. C'est devenu une seconde nature chez moi, un rituel quotidien que je répète sans réfléchir. Parfois, je bois pour oublier mes problèmes, pour étouffer les voix dans ma tête qui me rappellent sans cesse mes échecs. Mais l'oubli est toujours éphémère, comme un rêve qui s'évapore à l'aube. Les soucis reviennent en force le lendemain, plus lourds, plus sombres et accompagnés pour mon plus grand malheur d'une gueule de bois qui tambourine à l'intérieur de mon crâne.

Aujourd'hui ne fais pas exception. Je me sens engourdi, vidé de toute volonté, traînant mes pieds jusqu'à la Taverne dans laquelle j'ai pris l'habitude de noyer mon désespoir. Le bois des chaises craque sous mon poids lorsque je m'y installe, l'odeur familière du lieu – mélange de bière, de sueur et de tabac – m'enveloppe comme une vieille couverture usée. À peine ai-je eu le temps de poser mes fesses sur une chaise que le barman m'apporte ma boisson. Un clin d'œil complice de ma part lui suffit. Il sait que je viens souvent ici. Il connaît mes habitudes, peut-être même mes pensées, mais il se garde bien de poser des questions. Après tout, il n'est là que pour remplir mon verre, pour l'instant.

Je porte le gobelet à mes lèvres, tentant de faire le vide dans ma tête, mais les souvenirs et les regrets s'accrochent à moi comme une vieille douleur lancinante. Je suis tellement perdu dans mes pensées que je n'entends pas les pas lourds d'un groupe d'hommes qui entrent dans la Taverne. Ce n'est que lorsque leur présence devient oppressante, étouffante, que je réalise le problème. Ils se sont arrêtés au milieu de la pièce, leur silence contraste avec l'agitation habituelle du lieu. Leurs grandes capes noires flottent autour d'eux, comme des ombres vivantes. Leurs visages sont à peine visibles sous leurs capuches, mais un détail ne m'échappe pas : leurs oreilles pointues trahissent leur identité. Ce ne sont pas des hommes ordinaires, ni même des fées... ce sont des elfes noirs !

Ils ne devraient pas être là. Ils ne sont jamais là. Leurs mains, salies par l'usage excessif de la magie, racontent des histoires de destruction et de ténèbres. La Taverne, habituellement bruyante et animée, se fige dans un silence lourd, presque palpable. Les murmures cessent, les regards se détournent, personne n'ose bouger. La foule commence à s'agiter, la peur se répand comme une traînée de poudre à mesure que les elfes noirs se montrent plus menaçants. Trois d'entre eux se placent devant les portes, verrouillant chaque sortie. Aucun d'entre nous ne peut s'échapper. On est piégé, comme des rats, dans un piège.

Mon cœur bat la chamade. Je cherche désespérément une issue, mes yeux fouillent la pièce à la recherche d'une échappatoire. C'est alors que je remarque une jeune femme, à la silhouette fine et déterminée, qui s'éclipse discrètement par un passage secret. MON passage secret ! Comment diable a-t-elle pu le trouver ? Pour qui se prend-elle ?

Je tourne un regard incrédule vers le barman, espérant y trouver une réponse. Lui aussi l'a vue, et cette fois, c'est lui qui m'adresse un clin d'œil. Complice. Évidemment. Sans perdre un instant, je me lève, tentant tant bien que mal de ne pas attirer l'attention des elfes. Ma main plonge dans ma poche, en ressortant deux-trois vieux cailloux que je garde sur moi. Un outil simple, mais efficace. Je les lance avec précision, le bruit attire l'attention des elfes noirs dans une direction opposée. Parfait. Je m'engouffre dans le passage secret, connaissant chaque recoin, chaque tournant de ce chemin que j'ai emprunté tant de fois.

La lumière vacille dans l'obscurité du tunnel, et soudain, je la vois. La jeune femme se retourne, surprise, son visage se durcit en me voyant. Ses yeux brillent d'une lueur de défi, mais aussi d'une certaine peur. Elle est sur la défensive, prête à se battre. Peut-être croit-elle que je suis l'un de ces êtres sombres.

Les secrets du royaume [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant