CHAPITRE 4 (partie 1)

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On a été placé en dernier front. C'est le plus dangereux de tous, mais c'est aussi celui qui est le plus rapproché de la ville principale, et donc du manoir où se terre le « magicien ». Espérons qu'on survivra assez longtemps pour pouvoir en voir la couleur. 

J'entends Romain soupirer encore une fois. Il n'arrête pas d'angoisser. On va devoir passer par les autres front. Le premier a déjà été passé, le deuxième est un peu plus dangereux que celui qu'on a visité. On y abandonnera le groupe 115 et 116, là où les forces sont le plus souvent à égalités puis on essayera de se rendre au dernier. Là où même les soldats les plus aguerris sont morts. En général, une voiture sur trois arrive à passer. Les soldats sont obligés de maintenir un bouclier de lumière autour d'eux pendant que, dans les tranchées, on s'arrange pour créer une diversion. Une ombre passe dans le couloir du bus et je ne peux m'empêcher de sursauter.

- Ça va ? Me demande Romain.

Il a l'air encore plus anxieux alors je me contente d'hocher la tête.

- C'est jusque que je n'ai pas très bien dormi.

Ce n'est pas un mensonge. On a dû dormir dans le bus et je n'ai pas réussi à fermer l'œil à cause du bruit de mes pensées. Mon cauchemar me revient chaque fois que je ferme les yeux.

- Tu peux dormir maintenant, on a encore beaucoup de chemin, me conseille-t-il.

J'acquiesce et ferme les yeux. Le bruit s'estompe et étrangement aucune trace de mon cauchemar, rien que Morphée me tendant les bras. Au bout de quelques minutes, je sens mes muscles se détendre et ma tête roule sur le côté. Elle se pose sur l'épaule de Romain mais je n'ai pas la force de la relever. Et puis plus rien.


- Il est là ! Me hurle la petite fille.

Qui ? J'aimerais lui demander mais ma bouche reste fermée.

- Suis moi.
Elle me prends ma main et me guide dans un dédale de couloir. Les murs sont faits de pierres noires et la lumière n'est pas filtrée par les fenêtres. Elle s'arrête devant une lourde porte et m'invite à entrer. Ses cheveux d'or volent derrière elle lorsqu'elle court jusqu'un endroit que je ne peux pas voir.

- Claire, l'Hybride, la Sauveuse.

Cette voix, je la connais. Grave, caillouteuse, elle me donne des sueurs froides. Je me retourne tout de même et le voit, assis sur son trône fait d'obsidienne. Ses yeux semblent sans vie, faits de noir. La porte se referme dans un claquement sonore et me fait sursauter.

- Non, non pas maintenant.

- Dommage que tes très chers amis ne soient plus là pour te protéger, ricane le magicien. Si fragiles...

Je baisse les yeux et cours jusqu'à la porte. J'essaye de la forcer, mais rien ne bouge, je suis coincée à l'intérieur.

- Tu me seras très utile. Je savais que tu étais spéciale, mais je n'avais pas pris en compte ton courage. Rien ne t'arrête décidément.

Je serre les poings et cherche une issue à toute vitesse. J'essaye de créer un portail, mais je sens un surplus de magie couler dans mes veines. Au lieu d'un portail, c'est d'énormes lianes de magie noire qui remplacent mon ombre. Elles attrapent le magicien par le cou et commencent à l'étouffer. Je ne maîtrise rien. Pourtant l'envie de le voir mort parcourt tout mon corps et m'empêche d'arrêter.

- Si tu me tues, tu devras... prendre ma place, me prévient-il. Es-tu sure ?

- Claire, Claire !

Cette voix ne vient pas de mon rêve. Tout devient noir et je me réveille en sursaut.

Claire et le monde de l'OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant