Claire et le monde de l'Ombre

CHAPITRE 12

- Claire, tu viens ?

Je hoche pensivement la tête. Romain m'embrasse, me sortant immédiatement de mes pensées.

- Arrête de faire ça, je rigole. Tu sais que ça me surprends.

Il lève les yeux au ciel avant de me mener dehors. C'est bientôt l'heure. Je suis un peu angoissée. Aujourd'hui, on va nous attribuer la médaille du mérite. C'est un titre que gagnent tous les combattants de la guerre. Officiellement, je crois que personne ne sais que nous avons battu le Magicien. Qui croirait une bande d'adolescent ? En parlant de mon grand-père, il est bien surveillé par de puissants mages dans une prison de lumière qui contient ses pouvoirs. Il se contente de manger et de bougonner, mais je parie qu'il chéris l'idée de sortir de sa tour d'ivoire. Il peut toujours essayer, mais je doute que les agents le laissent sortir. De plus, avant de sortir du manoir, j'ai réussi à briser le sort des araignées ainsi que ceux des zombies. Ils reposent en paix, six pieds sous terre. Quand à Jules, je l'ai enterré dans le cimetière de ma ville. Il a le titre de mort pour la lumière, ce qui n'est pas petit. Je garde le souvenir d'un garçon fort et gentil dans ma mémoire.

- Allez, on va être les derniers, me presse Romain.

- On n'est pas si loin, je réplique.

Il commence à me faire angoisser. J'ai peur qu'on ne me donne pas la médaille à cause de mes origines. Pourquoi est-ce que je suis la fille du foutu prince de l'Ombre ? Décidément, le destin ne fait pas toujours bien les choses. On passe la porte du bâtiment principal. Je suis ébahie. Je n'était jamais rentrée dans cette tour. Elle est immense. Avec 56 étages, elle dépasse de loin tous les immeubles de mon petit village.

- Bonjour, s'exclame Romain, enjoué, à la secrétaire de l'accueil. J'aimerais voir Alysée et Aimée Woodward.

Elle note un petit mot sur une feuille de papier en bougonnant.

- Chambre 216, dit-elle d'une voix lasse. Et vous ?

- Marie et Alhi Shelton, je réponds, un peu gênée par son comportement.

On a l'impression qu'elle a été forcée de venir travailler ici.

- Vous êtes au même étage, répond-t-elle. Je vais vous accompagner.

On acquiesce en chœur. Ce n'est pas le moment de se perdre. Avant la cérémonie on a le droit d'aller voir nos parents pour les rassurer. Je doute quand même que mes parents soient venus. Romain m'a dit que je pourrais l'accompagner si jamais ils ne daignaient pas se montrer. Sur le moment ça m'avait fait rire, mais je commence à stresser. Et si ils ne me considéraient plus comme leur fille ? Et si ils restaient distants ? Et si je les avait déçus ?

- On est arrivé, marmonne la secrétaire.

Je n'ai même pas senti l'ascenseur me mener au deuxième étage. Nous la remercions d'un signe de tête. Malheureusement, elle ne nous suit pas jusqu'à nos chambres attitrés. Romain et moi flânons le long des couloirs en cherchant vainement les bonnes chambres. Je me repère mieux dans une tranchée que dans un hôtel... On passe devant la porte de Romain.

- Arrête de penser à vos retrouvailles, me conseille-t-il. Vis le moment présent. Je suis sûr qu'ils seront très contents de te voir en un seul morceau.

Je me force à lui donner raison. Il dépose un léger baiser sur ma joue avant de rentrer dans la chambre, non sans m'avoir adressé un clin d'œil. J'entends sa mère s'exclamer de joie en le voyant entrer. J'entends sa voix se briser de bonheur et elle pleure. Je donnerais tout pour que mes parents réagissent comme ça. Je continue ma route. Je ne peux pas l'éviter, la porte 229 semble briller. Elle m'invite à entrer. Malgré les nombreux doutes qui persistent, je pousse la porte et je me confronte à mon tour aux réactions de mes parents. Ma mère est assis près de la fenêtre, elle sirote distraitement un jus de fruit. Mon père lit, ses traits tirés prouvent qu'il n'est pas satisfait de sa lecture, ou qu'il est inquiet.