𝟎𝟖 | 𝐏𝐫𝐨𝐟𝐞𝐬𝐬𝐞𝐮𝐫 𝐆𝐫𝐚𝐲

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Victoria

8 octobre
Miami, 13h42

Une brise fraîche caressa mes jambes alors que je sortais de la salle de sport du centre-ville de Miami. L'automne s'installait doucement, et malgré ma résistance habituelle au froid, je ne pouvais ignorer les frissons qui parcouraient ma peau.

Je traversai la rue animée jusqu'à atteindre le café d'en face. En poussant la porte vitrée, une mélodie retentit doucement, annonçant mon arrivée. À l'intérieur, l'atmosphère était chaleureuse et accueillante, contrastant agréablement avec la fraîcheur extérieure. Les tables en bois, patinées par le temps, étaient disposées de manière harmonieuse, tandis que des étagères garnies de livres et de plantes vertes ajoutaient une touche de convivialité.

— Comme d'habitude ? me demanda le serveur en m'adressant un regard complice.

— Exactement, répondis-je en me dirigeant vers ma table habituelle, située au bord de la baie vitrée.

Je fixais la rue par la fenêtre, un voile de mélancolie teintant mes pensées. Les passants accéléraient le pas tandis qu'une averse discrète mais insistante commençait à s'abattre sur les pavés. J'avais toujours aimé la pluie, mais uniquement depuis la chaleur réconfortante d'un abri. Elle avait ce pouvoir apaisant, presque hypnotique, quand on la regardait tomber en dehors, sans être mouillé, comme une douce berceuse de gouttelettes frappant le sol avec régularité.

Pourtant, ce n'était pas la pluie qui me manquait le plus. Ce que je chérissais véritablement, c'était la neige. Chaque flocon me rappelait les hivers de mon enfance, ces moments suspendus où le monde se drapait d'un silence ouaté, où chaque souffle d'air semblait plus pur, plus frais. Depuis mon arrivée ici, je n'avais pas aperçu le moindre flocon, et ce silence blanc, cette absence de magie hivernale, creusait en moi un vide inexplicable. La neige me manquait. Elle me manquait terriblement, comme un vieil ami qu'on n'a pas revu depuis des années.

Peu de temps après, le serveur m'apporta une grande tasse de cappuccino ainsi qu'une part de clafoutis à la cerise. Deux fois par semaine, le mercredi et le samedi, je venais ici après ma séance intensive de sport, une habitude que je ne manquerais pour rien au monde.

Ces séances de sport étaient pour moi un moyen essentiel de me défouler et de canaliser mes émotions, que j'avais tant de mal à exprimer autrement. Mais la raison principale de cet engagement restait la quête de la perfection physique, une obsession qui remontait à mes onze ans. À l'époque, je pratiquais la self-défense et la course à pied. Mon père, très pointilleux sur l'importance de savoir se défendre, m'avait encouragée à me fortifier physiquement. Ma mère, quant à elle, s'était surtout inquiétée pour mon poids, un sujet crucial en Russie où l'apparence jouait un rôle prépondérant, bien que je n'aie jamais vraiment compris pourquoi.

Durant mon enfance, j'avais toujours eu des rondeurs, des courbes que les autres enfants semblaient ignorer, mais qui pour moi étaient comme une ombre pesante. Les remarques incessantes de ma mère avaient creusé en moi un sentiment de complexe profond. Je savais qu'à l'époque elle m'avait aimée. Son amour avait été palpable dans chacun de ses gestes, dans la façon dont elle avait veillé sur moi avec une attention presque étouffante. Pourtant, je ressentais une pression constante, celle de ne pas correspondre à ce qu'elle aurait voulu que je sois, ou plutôt, à ce qu'elle avait craint que les autres voient en moi.

Elle s'était inquiétée, je le comprenais. Elle avait redouté les jugements des autres, ces mots cruels que les enfants peuvent échanger avec l'insouciance de leur jeunesse, et elle n'avait pas voulu que je devienne la cible de moqueries. Mais ce qu'elle ne réalisait pas, c'était que ses propres paroles, ses remarques répétées, même si elles avaient été faites sous le couvert de l'amour maternel, avaient également laissé des cicatrices. Elle n'avait probablement pas pensé qu'elle aussi, à sa manière, faisait partie de ces critiques silencieuses, celles qui s'infiltraient dans mon esprit, me façonnant peu à peu une image de moi-même que je ne pouvais que détester.

𝐀𝐥𝐥 𝐓𝐡𝐞 𝐋𝐢𝐞𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant