Victoria
27 novembre.
Apparemment de Sofía et Victoria, 16h56.— T'as bientôt terminé avec la salle de bain ? me demanda sèchement Sofía à travers la porte. Ça fait deux heures que tu y es enfermée !
Je fis une pause, le temps de reprendre une taffe de ma cigarette.
— J'arrive, soufflai-je d'une voix éteinte.
Elle ne répondit rien, se contentant de s'éloigner, laissant derrière elle le bruit de ses pas qui s'évanouissaient dans le couloir. Je tirai une bouffée, savourant l'irritation familière de la fumée qui me brûlait la gorge, avant de m'allonger un peu plus dans l'eau tiède. La fraîcheur du carrelage contre ma nuque contrastait avec la chaleur de l'eau, mais au lieu de m'apaiser, cette dualité m'oppressait davantage.
D'habitude, mes longues douches du dimanche étaient sacrées, un rituel apaisant où je me consacrais à moi-même, à mon corps, à mon esprit. J'aimais m'envelopper dans une lumière tamisée, appliquer avec soin mes crèmes et mes huiles, me délecter de la sensation d'être bien dans ma peau, au calme, loin du tumulte du quotidien.
Mais pas aujourd'hui.
Aujourd'hui, tout semblait imprégné d'une teinte sinistre. La lumière qui filtrait à travers les carreaux de la fenêtre paraissait étrangement terne, presque glaciale, comme si le soleil lui-même avait perdu sa chaleur en pénétrant cette pièce. Un poids oppressant régnait dans l'air, alourdissant mes pensées, m'écrasant sous une chape de plomb.
J'avais l'impression d'être une étrangère dans ce lieu autrefois sanctuaire. Chaque minute passée ici, loin de m'apaiser, ne faisait que renforcer ce sentiment de malaise profond, cette envie latente de me laisser glisser plus bas sous l'eau, de disparaître.
Je tentais de comprendre d'où venait ce trouble, cette nostalgie insidieuse qui me rongeait, une mélancolie rampante, sourde, qui me rappelait des jours plus sombres... Dallas. Cette ville avait été le théâtre de tant de souffrances, où chaque jour semblait me pousser un peu plus vers la déchéance. À l'époque, je croyais être irrémédiablement perdue, enfoncée dans un gouffre sans fond, prisonnière de mes propres erreurs. Je m'étais laissée dépérir chaque jour, prenant tout ce qui me tombait sous la main.
L'alcool.
Le sexe.
Les clopes.
Les cachets.
La came.
Chacune de ces choses avait été une bonne raison de plus pour me plonger dans un état second, pour tout oublier. Délibérément, je m'étais laissée dériver, prête à me perdre à jamais.
Et puis Sofía était entrée dans ma vie, comme une bouée de sauvetage lancée au milieu d'une tempête. Elle m'avait tirée de ce chaos, m'avait montré qu'il était encore possible de remonter à la surface, de retrouver la lumière. C'était grâce à elle que j'avais survécu, que j'avais pu reconstruire quelque chose.
Mais dorénavant, elle n'était plus là pour moi.
Alors je restai là, dans l'eau qui refroidissait lentement, tentant de repousser ces pensées sombres. Mais elles étaient tenaces, accrochées à moi comme des chaînes invisibles. Je sentais cette ancienne douleur ressurgir, comme un spectre du passé venu réclamer son dû. Je savais qu'il me fallait sortir, affronter Sofía, lui parler. Mais je savais surtout que c'était impossible de lui révéler la vraie vérité. À cet instant précis, tout ce que je voulais, c'était me fondre dans cette eau glacée et disparaître pour de bon.
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𝐀𝐥𝐥 𝐓𝐡𝐞 𝐋𝐢𝐞𝐬
عاطفية𝙳𝚎́𝚌𝚎𝚖𝚋𝚛𝚎 𝟸𝟶𝟸𝟶, 𝚁𝚞𝚜𝚜𝚒𝚎. 𝙇𝙖 𝙛𝙪𝙞𝙩𝙚 𝙣'𝙚𝙨𝙩 𝙥𝙖𝙨 𝙩𝙤𝙪𝙟𝙤𝙪𝙧𝙨 𝙪𝙣 𝙖𝙘𝙩𝙚 𝙙𝙚 𝙡𝙖̂𝙘𝙝𝙚𝙩𝙚́ ; 𝙥𝙖𝙧𝙛𝙤𝙞𝙨, 𝙘'𝙚𝙨𝙩 𝙪𝙣 𝙘𝙧𝙞 𝙙'𝙚𝙨𝙥𝙤𝙞𝙧. Tandis que j'errai dans les ruelles de Kazan, la neige gelée tom...