Plongez dans l'univers sombre et tumultueux d'Emeline, une jeune femme de dix-neuf ans, marquée par une enfance tragique et une adolescence tourmentée. Dès son plus jeune âge, Emeline doit faire face à la mort de sa mère, un événement traumatisant q...
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Au guidon de ma moto, les larmes brouillent ma vision, transformant le monde autour de moi en un flou indistinct, comme si la réalité elle-même s'effaçait. Ma respiration est un souffle saccadé, oppressé par les sanglots qui montent en moi, chaque hoquet de douleur marquant une nouvelle fissure dans ce qui reste de mon âme. Je suis complètement submergée par un torrent d'émotions qui menace de me noyer, une vague déferlante de culpabilité, de désespoir, et de colère. Je lui ai tiré dessus. Une pensée qui tourne en boucle dans mon esprit, insupportable, inimaginable. Ils ont réussi à me transformer, à me déshumaniser, à faire de moi une machine de destruction, capable de commettre des actes que je n'aurais jamais cru possibles. Deux mois. Deux mois intensifs ont suffi pour me convertir en une ombre meurtrière, une arme à leur service. Je comprends maintenant pourquoi Sam, même s'il avait appris ce que je devenais, n'est pas venu me chercher. Comment aurait-il pu ? Que lui restait-il à sauver ? Rien de la femme qu'il avait aimée n'existait plus.
Pourtant, lorsque je l'ai vu dans le viseur de mon sniper, aux côtés de Zaid et Tommaso, une part de moi s'est réveillée, hurlante et désespérée. J'ai vu sa détresse, la fatigue gravée sur son visage, ses mains tremblantes, rongées par le manque, ses yeux rougis, témoins silencieux de ses larmes. Dans ce bref instant où nos regards se sont croisés, sans qu'il ne le sache, j'ai ressenti un élan irrépressible, un besoin viscéral de courir vers lui, de me jeter dans ses bras, de me perdre dans son étreinte, comme pour me purifier du mal que j'avais fait. Mais l'acier froid de l'arme de Dominico, appuyé contre le haut de mon crâne, m'a ancrée dans une réalité implacable. Je ne pouvais pas bouger. Je ne pouvais rien faire, sinon obéir.
J'ai volontairement manqué ma cible. J'ai raté Tommaso, puis Sam, délibérément, sachant très bien ce que cela allait me coûter. Les coups ont suivi, des frappes brutales dans mes flancs, des violences physiques qui, pourtant, ne pouvaient rivaliser avec la douleur intérieure, avec la destruction de ce qui restait de moi. Autrefois, ces coups m'auraient terrifiée, m'auraient fait supplier pour qu'ils cessent. Mais aujourd'hui, je ne suis plus la même. Aujourd'hui, je suis une marionnette entre leurs mains, attendant les ordres, exécutant chaque demande sans broncher, sans même penser. Mais quand j'ai vu Sam sortir de cette voiture, tout a changé. Mon âme, mon corps, et mon esprit ont crié à l'unisson. Je ne pouvais pas. Peu importe les conséquences, il était hors de question que je presse la détente pour l'abattre. Le blesser, peut-être, pour lui faire comprendre que, malgré tout, je ne pourrais jamais en finir avec lui, jamais appuyer sur la gâchette pour mettre un point final à son histoire, à notre histoire.
Le conflit en moi est insupportable. Une partie de moi sait qu'elle est brisée, irrémédiablement, façonnée par la violence et la manipulation. Mais une autre partie, celle qui a faibli en voyant Sam, celle qui a refusé de le tuer, est toujours là, battante, se débattant pour ne pas être complètement submergée par l'obscurité.
Oshi roule à mes côtés, sa visière relevée, et je peux sentir son regard peser sur moi alors que mes larmes s'envolent dans le vent. Sa peine résonne avec la mienne, un écho silencieux de la douleur que nous partageons. C'est lui qui a déposé le dahlia dans la chambre de Sam, un geste chargé de sens, une promesse muette faite à celui que j'aime. Pour l'instant, Oshi a plus de liberté que moi, mais je sais que le moment viendra où ceux qui nous tiennent en laisse baisseront leur garde. Ce jour-là, ce sera la fin pour eux.
