Funeste Origine - Tome 1: Des hommes et des monstres

Chapitre 34 : Frappe sournoise

Samellia, absorbée dans une concentration intense, se tenait au bord de la vouivre noire, là où les vagues tranquilles venaient lécher la coque. Les lueurs du jour dansaient sur l'eau qu'elle s'efforçait de manipuler par magie. Sous ses mains tendues, des formes fluides prenaient vie, des serpentins d'eau se tordant et ondulant brièvement avant de se dissiper, insaisissables. Malgré ces échecs répétés, elle ne flanchait pas, ses traits marqués par une détermination farouche. Elle refusait de laisser cet élément lui échapper.

Orland, qui observait la scène depuis un moment avec une fascination croissante, finit par s’approcher. Il admirait la persévérance de la jeune femme, mais voulait qu'elle se ménage.

— Samellia, dit-il d'une voix douce mais ferme, fais une pause. Le déjeuner est prêt. Tu auras tout le temps de poursuivre ton entraînement après.

Cette dernière soupira légèrement, reconnaissant cette interruption. Elle relâcha sa magie, et l’eau retrouva son mouvement naturel. Fatiguée mais toujours résolue, elle hocha la tête et se joignit au groupe pour le repas.

Pendant ce temps, Kazuki se tenait au sommet du navire, plongé dans une méditation profonde. Les volutes parfumées d’un encens rare flottaient autour de lui, ajoutant une touche mystique à l’atmosphère. En transe, son esprit voguait dans des dimensions invisibles, cherchant à maintenir sa forme astrale afin de se connecter à son katana disparu. L’arme, autrefois vibrante d’une lumière presque divine, semblait peu à peu s’éteindre, perdant de sa splendeur. Cette réalité pesait lourdement sur lui, qui redoublait d’efforts pour raviver ce lien fragile afin de la retrouver.

Sur le pont inférieur, Madrec avait préparé un festin avec les ingrédients achetés au port par ses compagnons la veille. De généreux filets de poissons, cuits à la perfection, reposaient sur de larges plateaux en bois. La peau dorée et croustillante des truites contrastait avec leur chair blanche, tendre et fondante. À côté, des brochettes de sardines marinées aux herbes marines répandaient un parfum enivrant, tandis qu'un riz finement parfumé, légèrement épicé, complétait le repas. Une sauce citronnée, à l’acidité subtile, attendait d’être versée, prête à sublimer chaque bouchée avec une touche de fraîcheur.

Samellia fut la première à goûter. Ses doigts fins saisirent un morceau de truite qu’elle porta lentement à ses lèvres. Dès la première bouchée, ses paupières se fermèrent légèrement, savourant la texture fondante de la chair qui se défaisait sur sa langue. La peau croustillante, légèrement salée, contrastait merveilleusement avec la douceur du poisson. Elle se servit une seconde portion, ajoutant cette fois un peu de sauce citronnée, dont l’acidité piquante éveilla ses papilles.

— C'est... sublime, murmura-t-elle, presque à elle-même.

Orland, de son côté, saisit une brochette de sardine grillée, mordant dedans avec appétit. La chair tendre, parfumée aux herbes marines, se mélangeait à une fine touche de sel, et il ne put retenir un sourire.

— C'est un régal, lâcha-t-il en se tournant vers Madrec. Franchement, chapeau.

Kazuki, plus discret, opta pour un filet de saumon fumé. La première bouchée éveilla en lui des souvenirs lointains, ceux des repas partagés dans son village natal, simples mais pleins de délices. La fumée ajoutait une profondeur au goût, et il appréciait le contraste avec les herbes légères et la sauce acidulée. Il ne prononça pas un mot, mais le léger sourire sur ses lèvres suffisait à exprimer sa satisfaction.

Même Galbasul, généralement réservé dans ses appréciations, ne put cacher son contentement. Il prit une large tranche de truite et la dévora lentement, savourant chaque bouchée. La chair délicate fondait dans sa bouche, lui apportant une chaleur réconfortante. Il hocha la tête en direction de Madrec, un signe rare chez lui, mais lourd de sens.