Les roses du destin [Terminée, En Réécriture]

Chapitre 14 : Gabrielle

 En rentrant du travail ce soir-là, je n'ai qu'une envie : me replonger dans la vie passionnante de Renée, à l'ombre de son saule pleureur, dans son magnifique jardin. Assise dans un fauteuil de métal blanc, elle était comme souvent, plongée dans ses pensées, un léger voile violet posé sur ses épaules dénudées. Ses fines rides autour de ses yeux vers ainsi que ses taches brunes sur ses mains me rappellent que ma nouvelle amie est âgée. Bien plus que je ne le suis. Plus de cinquante ans nous séparent, pourtant je ne me suis jamais sentie aussi proche d'une personne.

Sur la table, du même style que le fauteuil, trône une théière en porcelaine blanche ornée de délicats motifs floraux, qui émet une vapeur parfumée. À côté d'elle, deux tasses attendent patiemment d'être remplies. Dans une soucoupe assortie, des cookies aux pépites de chocolat sont disposés avec soin, et dégagent un parfum alléchant qui embaume l'extérieur.

Ma journée a été longue, éreintante pour être exacte. Mes soirées passées avec Renée sont une échappatoire, une manière de m'éloigner de ce quotidien que j'avais choisi et commençait à regretter. Elle est ma seule attache ici et sa présence me rassure au plus haut point.

— Bonsoir ma chère Gaby. J'attendais ton arrivée pour te verser un nuage de lait.

— Vous êtes merveilleuse Renée, une vraie perle.

L'odeur de l'abricot mélangé à l'hibiscus vient me chatouiller les narines. Nous découvrons une nouvelle saveur chaque semaine. Je me chargeais de ses courses les mercredis et en profitais pour passer dans sa boutique de thé favorite.

— Je l'apprécie un peu plus que celui de la dernière fois. Me dit-elle après une longue gorgée.

Réglisse, cannelle, gingembre et cacao. Un mélange pour le moins étrange qui ne nous a pas convaincu. Un stock en promotion à la fin des fêtes de fin d'année. Renée a fait une moue sceptique en sentant le mélange, puis a secoué la tête avec un petit rire.

— C'était un peu particulier, j'avoue entre deux gorgées. Je ne sais pas ce qu'il y avait de pire : avoir l'impression de boire un chocolat chaud trop épicé ou de boire un thé au goût si étrange.

Nous rions ensemble, conscientes que cette boîte de thé inhabituelle allait probablement prendre la poussière dans son placard pendant un bon moment. J'apprécie la sensation chaude qui coule le long de ma gorge et l'effluve fruité qui réchauffe mon esprit. Un soupir m'échappe malgré moi.

— Je suis contente que ça vous plaise, Renée. Ces moments passés ensemble sont toujours si précieux pour moi.

Renée esquisse un sourire, comme pour approuver mes paroles.

— Dis-moi, Gaby, as-tu eu une journée difficile au travail ?

Un grognement et un haussement d'épaule comme réponse, j'avale une nouvelle gorgée de liquide chaud. La lumière tamisée du soleil couchant et le parfum apaisant du thé m'offre un moment de répit bienvenu après cette longue journée.

— Mon patron est un cauchemar... Il ne veut pas entendre mes idées. Il me demande toujours de copier ce qui fonctionne ailleurs, mais ça ne me ressemble pas. J'ai besoin de créer, d'innover, pas de suivre des modèles tout faits.

Elle hoche lentement la tête, son regard fixé sur le ciel. Le silence qui suit est plein de compréhension, de cette sagesse silencieuse qui lui est propre. Je sais qu'elle ne me donnera pas de réponse, mais sa présence suffit à me calmer, à remettre les choses en perspective. La musique classique qui se joue en fond ajoute une couche de sérénité à l'atmosphère. J'ai l'impression que tout s'arrête lorsque je suis ici. Mais, malgré cela, quelque chose la trouble. Je peux le sentir.