Chapitre 21 : Gabrielle

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J'étais tellement nerveuse après avoir envoyé ma réponse à Mio hier soir que j'ai bu trois cafés de suite. Ce qui, bien évidemment, n'a pas arrangé mon état. Ma nuit a été beaucoup trop courte et la journée beaucoup trop longue. J'ai eu du mal à garder le cap sur mon travail, trop impatiente d'être à ce soir. Comme je n'arrivais pas à trouver un moment pour appeler Aurore, je lui ai envoyé un message pour la mettre au courant des évènements. Elle m'avait répondu à coup de points d'exclamations et nous ressemblions à deux adolescentes face à un premier flirt.

J'en voulais toujours à Mio d'avoir accepté de s'occuper de ce projet. Mais j'avais assez confiance en ses capacités d'agent immobilier pour trouver une solution qui conviendrait à tous, au-delà de nos espérances.

J'arrive en avance au bar. Je suis tellement nerveuse que je lis et relis inlassablement la carte des paninis et des boissons tout en jetant des coups d'œil furtifs à l'extérieur. En réalité, les mots n'ont aucun sens, mon esprit est trop troublé par cette soirée. J'avais été étonnée moi-même de l'audace dont j'avais fait preuve en proposant à Mio de nous retrouver ce soir. Mais, se retrouver dans un lieu aussi accueillant et chaleureux que chez Jeanne, n'est pas vraiment un rendez-vous. Il m'avait parlé de ses vendredis soir avec son meilleur ami, Antoine. Il en était donc de même pour nous : une soirée entre amis. C'est ce que nous étions ?

Depuis notre première rencontre, notre relation avait évolué de manière imprévisible. La froideur initiale entre nous avait laissé place à autre chose, un terrain mouvant et incertain. J'avais découvert un homme bien plus complexe qu'il n'y paraissait. Sa rigueur, cette carapace qu'il montre au monde, dissimule une profondeur insoupçonnée. Je repense à ce moment où ma main s'était posée sur son torse. Son cœur battait sous mes doigts, chaque pulsation résonnait en moi. Ses doigts avaient effleuré les miens, avec cette chaleur douce, presque protectrice. Un frisson m'envahit à ce souvenir, tout aussi intense que la veille. Depuis combien de temps n'avais-je pas ressenti quelque chose d'aussi fort ? Même Olivier n'avait jamais déclenché un tel tourbillon en moi. Rien ne se comparait à cette sensation brûlante qui montait lorsque Mio se tenait près de moi.

Je laisse mon regard se perdre dans l'obscurité de la place du village. Quelques lumières filtrent des habitations alentours. Au loin, les lettres de la devanture de la librairie scintillent grâce aux reflets de la lune. Je n'y ai pas remis les pieds depuis que j'y avais rencontré Mio. Je me promets de remédier à ça le plus vite possible. Le souvenir des rayons de livres, rangés par couleurs et de l'odeur du café fraîchement moulu me reviennent par vagues et m'enveloppe d'une douce nostalgie.

Tout à coup, comme venu de nulle part, Mio apparaît. Les soirées sont encore un peu fraîches pour cette fin du mois de mars. Il porte un trench parfaitement ajusté, qui descend jusqu'à mi-cuisse. Il lui offre une silhouette élégante et protectrice contre la brise nocturne. Ses cheveux, coiffés avec soin, et son visage rasé de près témoignent de son souci du détail. Alors qu'il entre dans le bar, un parfum boisé et épicé se diffuse légèrement dans l'air, et s'ajoute à son charme mystérieux et raffiné. Mon cœur s'emballe, je sens le rouge me monter aux joues. Il incarne à la fois la distance et l'intimité. Tout en lui me trouble.

Je l'observe, et je cherche un signe, une hésitation, quelque chose qui me révélerait ce qu'il pense vraiment. Mais il semble aussi sûr de lui que d'habitude, même si un léger sourire trahit peut-être une nervosité discrète.

Ses yeux s'accrochent aux miens. Son regard n'est plus aussi noir, une douce chaleur s'en échappe, comme une flamme apaisante. Mes joues s'empourprent instantanément, et je sens le feu monter jusqu'à mes tempes. J'aurais voulu pouvoir enlever une couche de vêtements pour faire venir un peu de fraîcheur, mais je n'en ai plus. L'air du bar, habituellement confortable, m'étouffe à présent.

Les roses du destin [Terminée, En Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant