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D'un signe de tête, le garde en tête de file annonça le départ. Les enfants, encore humides et frissonnants, baissèrent tous la tête en silence et se mirent en ligne, suivant l'ordre sans hésitation. Dante, toujours au fond du rang, avança avec les autres, son regard fixé sur le sol, ses pensées tourbillonnant dans son esprit.

Ils descendirent l'escalier de marbre, les marches glacées et dures sous leurs pieds nus. Le contact froid du sol envoyait des frissons à travers leurs corps déjà tremblants. Chaque pas résonnait dans le couloir vide, une cadence rythmée qui rappelait un cortège funèbre.

À l'entrée du réfectoire, Alpha et un autre garde les attendaient. Leur présence imposante dominait l'espace, leurs silhouettes sombres contrastant avec les murs ternes. Alpha se tenait droit, son masque obscurcissant son expression, mais ses yeux brillaient d'une lueur froide et malveillante. Son regard balaya la ligne d'enfants qui se pressaient devant lui, cherchant sa prochaine cible.

Il s'arrêta brusquement devant un garçon d'environ onze ou douze ans. Le garçon leva les yeux, tremblant, ses lèvres déjà prêtes à supplier.

— C'est ton jour, p'tit Cracmol, dit Alpha d'une voix doucereuse, un sourire tordu se dessinant sous son masque.

Le garçon, réalisant ce que ces mots signifiaient, commença à trembler de tous ses membres. Ses yeux s'élargirent de terreur, et sans attendre, il se mit à pleurer, à supplier de toutes ses forces.

— Non, non... s'il vous plaît... pas moi... pas moi ! hurla-t-il, sa voix brisée par la panique.

Alpha et son collègue ne montrèrent aucune pitié. Ils l'attrapèrent par les bras, le tirant hors de la ligne. Le petit garçon se débattit violemment, ses cris résonnant dans le couloir comme des échos désespérés. Les plus âgés, ceux qui avaient dépassé treize ans, se détendirent légèrement en voyant le jeune garçon être emmené, leur peur momentanément reléguée. Mais ils détournèrent vite les yeux, refusant de regarder la scène de plus près, de s'impliquer, comme s'ils savaient trop bien ce qui l'attendait.

— Allez, avancez ! hurla l'un des trois gardes restants, poussant les enfants vers l'intérieur du réfectoire.

— Quinze minutes ! annonça un autre garde d'une voix forte et tranchante.

Dante sentit son cœur battre plus fort. Alors que les cris de douleur du garçon qui se faisait traîner résonnaient toujours dans les couloirs, il observa les plus âgés encore assez en forme se précipiter vers la table où la nourriture était servie. Il comprit rapidement ce que cela signifiait : les meilleurs pouvaient se servir plus, plus vite, avant que les autres n'aient la chance de le faire.

Il savait qu'il devait se battre pour sa place, qu'il ne pouvait pas rester en retrait. Il vit les plus âgés se jeter sur le pain et la soupe, sans aucune hésitation. Instinctivement, il sentit que c'était sa chance. Son corps entier était encore engourdi de froid et de douleur, mais il ignora ses sensations, se concentrant uniquement sur son objectif : se nourrir. Il n'y avait pas de place pour l'hésitation ici.

Il se mit à courir, bousculant un garçon de son âge sur le côté pour passer devant. Le garçon lança un regard de reproche, mais Dante n'y prêta pas attention. Il ne pouvait pas se permettre d'être poli. Il repéra un autre garçon, celui qui toussait, un adolescent de quatorze ans marqué 608. Sans réfléchir, Dante le bouscula légèrement pour prendre sa place.

Il atteignit la table de service et attrapa un bol, puis plongea la louche dans la soupe, se servant aussi vite que possible, les mains tremblantes mais déterminées. Ses doigts engourdis agrippèrent un morceau de pain, ses yeux fixant les gardes qui observaient d'un œil attentif, mais sans intervenir.

Les OubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant