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Après la fuite soudaine d'Alpha, Dante remarqua quelques différences dans la manière dont les choses étaient gérées. La plus notable était l'absence de ses visites forcées et injustifiées à l'isolement. L'angoisse perpétuelle d'être emmené sans raison apparente, simplement pour servir de jouet à Alpha, s'était dissipée. C'était un soulagement minime, mais réel.

Il observa aussi qu'Eureka, désormais le nouveau chef des gardiens, était plus... conciliant. Sa présence imposait toujours une certaine autorité, mais il y avait une différence subtile dans son comportement. Par exemple, lorsqu'un enfant s'endormait pendant les interminables classes ou les lectures du soir, Eureka ne lançait pas immédiatement le Doloris comme Alpha l'aurait fait sans hésitation.

Au lieu de cela, il adoptait une approche moins brutale. Il préférait mouiller l'enfant fautif, jetant de l'eau froide sur son visage pour le réveiller brusquement, suivi d'une mise à l'isolement pendant une à plusieurs heures. Cela restait une punition, certes, mais bien moins douloureuse que ce à quoi ils avaient été habitués. Cette méthode, bien que toujours désagréable, épargnait les enfants de la torture cruelle et insoutenable du sortilège Doloris, et laissait même entrevoir une forme de compassion, aussi tordue soit-elle.

Dante nota aussi que le nouveau chef gardien accordait plus de temps pour les repas. Là où Alpha surveillait chaque minute avec une impatience tyrannique, frappant dans ses mains pour hâter les enfants, Eureka semblait plus détendu. Les repas s'étiraient, leur laissant cinq minutes supplémentaires, peut-être dix, pour finir leur soupe ou leur maigre morceau de pain. Cette petite pause supplémentaire était bienvenue, un répit qui permettait aux enfants de souffler et de reprendre des forces.

Les autres gardiens semblaient apprécier ce changement. Dante les voyait se détendre un peu plus dans le réfectoire, se permettre de discuter à voix basse, de plaisanter parfois entre eux pendant que les enfants mangeaient en silence. Il y avait une sorte de relâchement dans leur comportement, un relâchement qui rendait l'atmosphère légèrement moins oppressante.

Dante observait tout cela avec une curiosité prudente. Il savait qu'il ne pouvait pas faire confiance à Eureka ou aux autres gardiens, mais ce changement d'attitude lui donnait matière à réflexion. Peut-être que l'absence d'Alpha et l'approche plus détendue d'Eureka pourraient jouer en sa faveur, lui offrir un moment de répit ou une opportunité inattendue.

Mais il savait aussi que cet équilibre fragile pouvait basculer à tout moment. Les gardiens restaient des menaces, et l'ombre de l'orphelinat continuait de peser lourdement sur eux tous. Pourtant, Dante ne pouvait s'empêcher d'espérer que ce petit changement, cette légère ouverture, pourrait être le début de quelque chose de différent... quelque chose de mieux, même s'il n'était pas encore sûr de quoi.

Dante continuait d'observer, de réfléchir à tout ce qu'il voyait, tout ce qu'il entendait. Avec le temps, il avait commencé à comprendre quelque chose d'étrange à propos des gardes. Ils étaient des sorciers, certes, mais ils semblaient eux aussi prisonniers de cet endroit d'une manière ou d'une autre. Ils ne pouvaient pas transplaner, bien qu'ils aient des baguettes et des compétences magiques. Et leurs masques... c'étaient plus que de simples dispositifs pour dissimuler leur identité.

Peut-être ces masques étaient-ils eux-mêmes une sorte de prison, quelque chose de contraignant, de contrôlant. Dante n'était pas sûr de ce que cela signifiait exactement, mais il se demandait s'il pourrait un jour utiliser cette information à son avantage. Il ne savait pas encore si elle était utile, mais il savait que dans cet enfer, chaque petit détail comptait.

Il continuait de suivre sa routine : les corvées, les classes, les lectures obligatoires... et surtout, les traitements hebdomadaires. Chaque dimanche, il était emmené de force, toujours se débattant, luttant contre les gardes qui l'arrachaient de son lit. Les autres enfants avaient commencé à murmurer à son sujet. "Le petit prince est devenu le Rottweiler," disaient-ils entre eux, en chuchotant dans les coins sombres du dortoir. Un surnom qui le suivait, un mélange de respect et de crainte.

Les OubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant