Les Oubliés

8.

Après cinq heures interminables à écouter la voix monotone d'Oméga réciter des leçons sur l'histoire de la magie et la pureté du sang, les paupières de Dante se faisaient lourdes. Il luttait contre la fatigue, chaque instant devenant un combat pour ne pas sombrer dans le sommeil. Le froid, les sangles serrées, la douleur dans son dos, tout semblait conspirer pour le briser.

Enfin, les leçons prirent fin. Les gardes commencèrent à détacher les enfants un par un. Alpha observait chaque mouvement avec une attention perverse. Lorsque le dernier garde s'approcha de Dante pour le libérer, Alpha fit un signe discret de la main. Dante sentit le regard de l'homme se poser sur lui. Il comprit immédiatement ce que cela signifiait : il serait le dernier à être libéré.

Il resta immobile, attendant patiemment que le garde le détache enfin. Lorsque les sangles se relâchèrent, il se leva rapidement, sachant qu'il devait se dépêcher de rejoindre le réfectoire. Ses muscles endoloris protestaient à chaque pas, mais il ne ralentit pas, conscient qu'un retard lui vaudrait sûrement une autre punition.

Il atteignit le réfectoire juste au moment où le garçon sélectionné le matin entra également. Le garçon était trempé, grelottant violemment, sa peau presque bleue de froid. Dante sentit un instant d'hésitation le traverser. Il devait manger, c'était essentiel pour survivre. Mais quelque chose en lui le poussa à faire autre chose.

Sans réfléchir davantage, il attrapa le garçon par le bras et l'aida à se diriger vers un banc. Le garçon vacillait, ses lèvres tremblantes de froid, mais il ne se débattit pas. Dante le posa doucement sur le banc, puis se dépêcha vers la table pour se servir de la soupe. Ses mains se précipitèrent pour remplir deux bols. Il glissa un morceau de lard dans le bol du garçon avant de se retourner et de revenir vers lui.

— Dix minutes ! cria un des gardes, la voix impitoyable.

Dante posa le bol devant l'autre garçon et, sans perdre un instant, commença à avaler sa propre soupe, essayant de manger le plus vite possible. Un autre garçon, assis à côté, donna un coup de coude au sélectionné du matin, l'encourageant à faire de même. Le garçon leva des yeux hagards vers son bol, fixa un moment les morceaux de lard, puis se mit à manger avec une frénésie désespérée.

Dante sentit les regards des autres enfants sur lui. Certains semblaient surpris, d'autres méfiants, et certains clairement jaloux. Son geste avait attiré une attention qu'il n'avait pas anticipée. Il savait que partager sa nourriture ici était un acte risqué, mais il ne pouvait ignorer la détresse de l'autre garçon.

Il se concentra sur sa soupe, avalant le plus rapidement possible, sans lever les yeux. Il n'avait pas le temps de réfléchir aux conséquences de son geste. Tout ce qui comptait maintenant, c'était de finir avant que les gardes ne les séparent à nouveau.

Il pouvait presque sentir la tension autour de lui, l'électricité dans l'air. Dans ce monde où chaque enfant luttait pour sa survie, toute forme de gentillesse ou de solidarité était rare... et dangereuse.

Alpha frappa dans ses mains, et Dante avala la dernière gorgée de sa soupe juste à temps. Il jeta un coup d'œil rapide vers le bol de l'autre garçon, encore à moitié plein. Sans réfléchir, Dante empila discrètement son propre bol sur celui du garçon et le fit passer à son camarade à droite. Personne ne dit un mot. Tout le monde semblait avoir compris qu'il valait mieux ne pas attirer l'attention.

Alpha balaya la pièce du regard, ses yeux perçants se posant sur chaque enfant avant de s'arrêter sur Dante et le garçon à ses côtés.

— 829 et... 730... déclara-t-il d'une voix claire.

Le petit garçon, sélectionné plus tôt, commença à pleurer en silence, les larmes coulant sur ses joues sales.

— Vaisselle du soir, ajouta Alpha avec un sourire satisfait. Les autres. En classe. Allez ! On bouge !