Dans l'ombre des flammes

Chapitre 44

Le château était en pleine effervescence. À l'agitation des préparatifs pour le repas du soir venait s'ajouter la frénésie de l'organisation de la nuit de Kupala qui aurait lieu le lendemain.

Au palais, l'évènement s'annonçait grandiose et, pour une unique nuit, la cour s'apprêtait à laisser l'étiquette de côté pour la remplacer par le simple besoin d'être heureux.

Erryn avançait dans les étages inférieurs du château dont la joyeuse animation avait le mérite de la distraire de ses pensées ombrageuses.

« Erryn ! » l'appela-t-on et elle se retourna, cherchant du regard Evander, qui venait de crier son nom, ignorant les regards avides de commérages qui se posèrent tour à tour sur eux.

Il la rejoignit rapidement et coinça son casque sous son bras en se plantant devant elle. La jeune femme constata alors que ses yeux, habituellement brillants, semblaient éteints et sa posture plus rigide. Il devait revenir de manœuvres et lui paraissait préoccupé.

« Je suis content de te trouver, lui dit-il. Je... Je comptais te demander d'être ma partenaire pour Kupala », annonça-t-il de but en blanc.

Le cœur d'Erryn se serra. Certes, elle lui avait promis de l'attendre et de leur donner une chance, mais comment pouvait-elle lui expliquer, sans le blesser davantage, que ses espoirs étaient vains et qu'elle avait consenti à cette promesse en espérant que ses sentiments s'estomperaient avec le temps ?

Sentant son embarra, Evander se dépêcha de préciser : « Malheureusement pour moi, j'ai reçu mon ordre d'affectation, mon unité prend la route demain dès l'aube ».

La nouvelle frappa Erryn comme une vague de froid. Elle savait qu'il devait être déployé prochainement, mais cette nouvelle soudaine, surtout la veille de Kupala, la laissa abasourdie.

D'une part, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour son ami qui partait pour un voyage qui n'était probablement pas sans risques. D'une autre part, la précipitation du départ d'une unité Herbrâns n'était pas un fait anodin et elle ne pouvait s'empêcher de se demander quelle en était la raison.

« C'est soudain, articula-t-elle.

– On nous a donné le reste de la journée. Je dois préparer mes affaires pour demain, mais je me demandais si tu accepterais de passer la soirée avec moi. Nous pourrions aller profiter de l'atmosphère de la fête dans la ville. En tant qu'amis ».

Il y avait dans sa voix des accents de sincérité qui touchèrent le cœur de la jeune femme et elle sut qu'elle ne pouvait lui refuser cette demande.

« D'accord, accepta-t-elle en esquissant un léger sourire. Profitons de cette dernière soirée ».

Un air soulagé se dessina sur le visage d'Evander, dont les yeux se remirent à pétiller.

« Je t'attendrai aux écuries à sept heures ».

*
* *

Quand, comme promit, Erryn sortit retrouver Evander, la journée avait atteint son apogée et le palais était à présent plongé dans la douce accalmie de la fin d'après-midi.

Les femmes étaient dans leurs quartiers, occupées à s'apprêter pour le banquet de la soirée tandis que les hommes, pour la plupart bien moins coquets, fumaient et bavardaient en buvant du vin dans leurs salons privés.

Une certaine tranquillité régnait dans l'air, comme si la terre elle-même prenait une profonde inspiration, savourant les derniers instants avant l'excitation de la soirée.

À cette heure, le soleil était un spectacle grandiose, une sphère flamboyante vacillant au bord de l'horizon, son éclat faiblissant peignant le ciel de tons orange et or.