Chapitre 1 (suite)

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Blanche-neige... je hais ce surnom qu'il m'a donné, sous prétexte qu'avec ma peau pâle comme la mort, mes cheveux noir et mon regard qui hurle mon désespoir, je ressemble plus à une princesse en détresse qu'à un homme. Il prend un malin plaisir à mettre ma dignité plus bas que terre, semaines après semaines.

Ses paroles franchissent lentement la barrière de ma semi-réalité et je ne peux m'empêcher de tressaillir à l'idée de ce qui m'attend à sa prochaine visite. Et il le sait. Avec un sourire mauvais, il quitte la pièce et me laisse seul avec l'angoisse de ladite soirée à venir.

J'ai envie de m'enfuir, de hurler, de courir loin pour ne plus jamais revenir. Mais pour aller où ? Je n'ai rien, je ne suis rien. Je n'ai plus de foyer, plus de famille. Je suis seul et ils le savent parfaitement, lui et mon foutu patron.

Cela fait presque un an maintenant que mon père m'a jeté dehors en me hurlant de ne plus jamais me présenter devant lui. Je suis resté plusieurs semaines dans la rue, sans rien, pas même de quoi me nourrir. C'est durant cette sombre période de ma vie que j'ai rencontré Won-Shik.

A force d'errer dans les rues de Séoul, j'ai fini par atterrir près du Red Light, à moitié mort de faim. Un des employés m'a trouvé et m'a emmené à l'intérieur avant d'appeler le patron de l'établissement. Won-Shik est peut-être un salaud, mais il m'a recueilli alors que j'étais au plus bas.

Il m'a accueilli dans son bar, m'a soigné, m'a sauvé. Je n'avais rien lorsqu'il m'a recueilli. Il m'a donné le peu que j'ai aujourd'hui. Un toit sur la tête et de quoi me nourrir trois fois par jour.

Je ne peux en demander plus. Et je lui serais éternellement redevable. Est-ce la raison pour laquelle il m'a ramené ici ? A-t-il vu en moi une petite chose fragile qu'il lui serait facile d'emprisonner à vie ? C'est fort possible. En attendant, sans lui je serais sans doute mort à l'heure qu'il est.

Alors, même si parfois l'au-delà semble préférable à ma situation actuelle, je lui reste loyal et je fais ce qu'il me demande. Quand bien même je devrais passer une vie entière avec la pire raclure des environs.

La porte se referme derrière Do-Won et je peux à nouveau respirer. Je ferme les yeux et me laisse entraîner dans cet espace que je me suis octroyé, cette demi réalité que je ne peux atteindre que grâce aux jolis cachets roses que je prends de plus en plus régulièrement à présent. La vie est bien plus simple comme ça, plus supportable.

Un bruit sourd, comme un toquement, me parvient de loin, très loin. Trop loin pour que je prenne la peine de répondre. L'intru n'aura qu'à repasser plus tard, je ne suis pas disponible pour le moment.

Le matelas s'affaisse soudain et un baiser sur mon front me fait sortir de ma torpeur. Je ne connais qu'une seule personne en ce bas monde capable de tant de tendresse envers moi, Jae-Won. Je ne prends pas la peine d'ouvrir les yeux.

" Chaton tout va bien ? J'ai comme l'impression que la cession a été rude aujourd'hui..."

Mon silence lui tient lieu de réponse.

" Je suis désolé mon chat... je vais parler à Won-Shik, ça ne peut plus durer !"

Je sens son regard s'attarder sur mon corps.

" Oh seigneur qu'est-ce qu'il t'as encore fait ? Ton corps est couvert de bleus..."

Je ne réponds toujours rien. Si je n'avais pas pris plus de pilule rose que la dose habituelle, je sentirais sûrement une terrible douleur sur chaque centimètres de mon épiderme. Heureusement pour moi, je ne sens presque rien. Seulement un léger désagrément sur l'ensemble du corps.

" Yoongi est-ce que ça va... ? Tu as l'air... ailleurs. Est-ce que tu veux que j'appelle le médecin ?"

J'ouvre brusquement les yeux pour lui hurler de ne surtout pas faire ça. Mais mon corps ne semble plus m'obéir correctement et le seul son qui sort de mes lèvres est un pauvre gargouillement pathétique. Des profondeurs de mon être, je vois les pupilles de Jae-Won s'agrandir sous l'effet de la panique. Il attrape le tube contenant mes pilules magiques et les brandis sous mes yeux.

"Combien tu en as pris ?".

Sa voix n'est plus douce ni compatissante. Elle est dure et pleine de reproches. Instantanément, je m'en veux. Je déteste lui faire de la peine. Il est la seule personne sur cette terre pour qui je compte. La seule personne qui ne me considère pas comme un monstre ou un vulgaire jouet.

" Yoongi réponds-moi, combien tu en as pris ?"

Mais je suis incapable de lui répondre. Je tente de lever le bras pour lui indiquer le nombre avec mes doigts mais mon corps est tellement lourd que je n'arrive pas à bouger d'un millimètre. Je crois que j'ai déconné, une fois de plus. Et avec un dernier regard d'excuse, je sens les ténèbres m'envahir et j'y plonge tête la première, en priant pour que cette fois, l'être en robe noire se décide à m'accueillir parmi les siens...

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant