Chapitre 4 (suite)

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Jae-Won attrape Haru qu'il dépose sur le rebord de la fenêtre. La petite bête comprend rapidement qu'il est l'heure pour lui de déguerpir. Un dernier regard dans ma direction et il disparaît en sautant sur le couvercle des poubelles en contrebas.

Je ne sais pas vraiment à quoi m'attendre avec Won-Shik et je n'espère plus grand-chose venant de lui. La seule chose que je souhaite, c'est qu'il ne me renvoie pas dehors. Quelqu'un toque à la porte quelques minutes plus tard et mon patron entre après y avoir été invité par un Jae-Won tendu.

Il est d'une taille moyenne, avec des cheveux noir coupés court et parfaitement coiffés. De petits sillons commencent à marquer ses traits, qui avoisinent à présent la quarantaine. Juste ce qu'il faut pour ajouter un charme à ce visage qui avait fait bien des ravages dans sa jeunesse. Son costume trois pièces taillé sur mesure - et certainement d'un montant exorbitant - épouse parfaitement sa carrure. L'image d'un homme qui prend soin de lui et qui met en avant sa supériorité financière et sociale.

Mais c'est surtout son regard, noir et perçant, qui fait toute la prestance de cet homme. Un regard sévère, froid, qui analyse tout et tout le monde, et qui à cet instant, me regarde avec une expression que je ne lui ai vu qu'une seule fois jusqu'à présent. De la pitié. Cette même expression qu'il a eu le jour où il m'a offert un abri pour la nuit avant de me proposer de rester ici, en échange de quelques compensations.

N'ayant rien à perdre, j'avais immédiatement accepté. Aujourd'hui encore, même en sachant tout ce qui m'attend, je referais la même chose. J'ai au moins eu la chance de rencontrer Jae-Won et Lemy.

"Yoongi écoute je... commence Won-Shik d'une voix basse et hésitante. Je suis venu... pour m'excuser."

Jae-Won et moi nous regardons, abasourdis. Won-Shik, s'excuser ? Ça ne lui ressemble pas. Habituellement, il est plutôt du genre à accuser la personne face à lui, pour retourner le problème contre l'autre au lieu d'en prendre la responsabilité.

La première fois que je me suis plaint auprès de lui au sujet de Do-Won, il m'a simplement rétorqué que c'était parce que je n'étais qu'un poussin tout juste sorti des jupes de maman et qu'il fallait que je m'endurcisse. J'ai rapidement compris qu'il fallait simplement que je souffre en silence et que je ne vienne surtout pas me plaindre parce qu'après tout, le problème venait uniquement de moi.

"Je n'aurais jamais dû laisser ce fou avec toi... Mais tu comprends, il m'a proposé une somme astronomique, je ne pouvais pas refuser autant d'argent. J'ai pensé que tu aurais suffisamment de force de caractère pour passer ce... moment avec lui. J'ai eu tort et je m'en excuse."

Je rêve ou il tente de me convaincre que tout n'est pas entièrement de sa faute, que je suis aussi responsable ? A l'entendre c'est presque lui la victime. Je savais déjà que je n'avais que peu de valeur à ses yeux, mais entendre de sa bouche que ma vie pèse moins qu'un gros paquet de billets m'étreint le cœur.

Ses excuses ne sont en fait qu'un faire valoir pour que je le prenne en pitié et que je ne me retourne pas contre lui. Il n'y a rien de sincère. Mais au fond, pourquoi est-ce que ça m'étonne encore ? C'est tout le genre de cet homme vénal et pourri jusqu'à la moelle. A ses yeux, rien ne justifie mieux ses actes que l'appât du gain.

Je fronce les sourcils, seul signe de mécontentement que je suis capable d'exprimer et lui lance un regard noir. Pour la première fois depuis longtemps, j'aurais eu bien des choses à lui reprocher. Soudainement, je regrette de ne pas pouvoir me défendre. Heureusement, j'ai Jae-Won à mes côtés, lequel semble dans une colère terrible.

"Vraiment Won-Shik, tonne-t-il, tu te justifies et tu essaies de te trouver des excuses en mettant en avant la somme promise ? Est-ce la seule chose que nous sommes à tes yeux ? Des distributeurs de billets ? Nos états d'âme, notre dignité, notre intégrité physique, tout cela n'a donc aucune valeur à tes yeux ? Il peut bien nous arriver n'importe quoi, du moment que tu empoches ton argent à la fin ? Tu es une ordure à ce point ? Tu sais que tu ne vaux pas mieux que le taré qui a failli tuer Yoongi ?"

Jae-Won, debout, domine Won-Shik de toute hauteur. Ce dernier s'est légèrement recroquevillé, comme s'il ployait sous le poids de la colère de mon ami. Avec son mètre quatre-vingt, Jae-Won est déjà quelqu'un de plutôt grand, mais à l'instant, il paraît immense dans sa fureur.

"Tu ne nous mérites pas Won-Shik, reprend-il, Yoongi et moi allons quitter l'établissement dès ce soir. Si tu n'es pas capable de veiller à notre sécurité, si l'argent justifie toutes les atrocités, il est hors de question que nous restions ici une minute de plus".

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant