Chapitre 3 (suite)

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De l'air s'infiltre brusquement dans mes poumons. Je tousse à m'en arracher la gorge, déjà bien irrité par les aberrations du psychopathe en chemise rose. Ma conscience remonte et me ramène dans cet univers que je veux fuir plus que tout. Non, laissez-moi partir, je vous en supplie...

"Yoongi ! Yoongi est-ce que ça va ? Je suis vraiment désolé ! Si j'avais su je... Won-Shik est vraiment le pire des salauds. Quand Jae-Won saura ça... J'ai appelé les flics ils vont venir chercher ce monstre ne t'inquiète pas. Maltraiter un être humain c'est une chose, tenter de l'assassiner c'en est une autre..."

Mon cerveau rejette ces paroles qu'il ne veut pas comprendre. Je reconnais cette voix. Lemy. Que fait-il ici ? Laisse-moi Lemy, il faut que je m'en aille. J'essaie de le lui dire, mais aucun son ne sort de ma bouche.

"Respire, voilà doucement. Si j'étais arrivé quelques minutes plus tôt j'aurais pu l'empêcher de... je suis vraiment désolé. Won-Shik aurait dû nous dire que c'était lui. Il était déjà pas net quand il est arrivé".

J'entends son flot de paroles mais n'écoute pas vraiment. Je sens la vie revenir peu à peu et je maudis injustement Lemy d'être intervenu à ce moment précis. C'était la dernière scène envoyée par je ne sais quelle entité divine qui devait me libérer de ce mauvais film. Finalement ça n'aura été qu'un supplice de plus.

"Qu'est-ce qui s'est passé ? Est-ce qu'il va bien ? Yoongi mon chat réponds-moi, fais-moi un signe, n'importe quoi".

La détresse de Jae-Won me fait immédiatement réagir. Je ne supporte pas de l'entendre souffrir. D'autant plus quand j'en suis la cause. J'essaie d'ouvrir les yeux mais mes paupières sont atrocement lourdes. Je ne sais pas si c'est à cause de la drogue ou simplement le fait d'avoir frôlé la mort, mais je dois user de toute la force qu'il me reste pour bouger mes doigts et serrer faiblement la main que Jae-Won tient dans la sienne.

"Mon chat..."

Il m'embrasse sur le front, comme une mère le ferait avec son enfant et n'ajoute rien. Le simple fait de savoir que je suis là quelque part et que je l'entends suffit à le rassurer.

Une troisième voix se mêle à celle de Jae-Won et Lemy mais je suis incapable de comprendre ce qui se dit. La conversation est plutôt animée, c'est tout ce que je parviens à comprendre. Les ténèbres m'envahissent doucement et je me laisse emporter dans leurs bras réconfortants.

Une petite touffe de poils me chatouille doucement le nez et j'ouvre les yeux. Haru me regarde de ses grands yeux jaunes. Haru c'est le chat errant que j'ai trouvé dehors, près des poubelles, il y a deux mois. Il était maigre, affamé et effrayé. Il m'a rappelé l'état dans lequel j'étais avant que Won-Shik ne me recueille.

Je l'ai immédiatement pris avec moi, caché sous mon pull - les animaux étant interdits dans l'établissement, je n'ai jamais été aussi content de porter des vêtements larges - et je l'ai ramené dans ma chambre. Je l'ai posé sur une couverture mais il est immédiatement parti se cacher sous le lit. Il m'a fallu beaucoup de patience pour réussir à le sortir de là.

J'ai couru au bar pour tenter de trouver quelque chose à manger. Je n'ai trouvé que des restes d'amuse-gueule. Lorsque j'en ai posé quelques-uns près de lui, sous le lit, il n'a pas voulu y toucher, comme s'il attendait de voir s'il pouvait me faire confiance, si je n'essayais pas de l'empoisonner.

J'ai alors fait une chose étrange, parce qu'un animal ne peut pas comprendre ce genre de geste. J'ai croqué dans un morceau de cake et ai posé le resté à côté de lui. A mon grand étonnement, il s'est avancé et l'a senti avant de lécher la partie que je venais de manger.

Quelques instants plus tard, il s'attaquait goulument au reste du cake. Je lui ai posé une petite gamelle d'eau dans un coin et suis sorti pour lui acheter de quoi manger. Je voulais m'assurer qu'il allait bien avant de l'abandonner un moment.

Je me suis rendu à la supérette du coin. J'y ai trouvé juste ce qu'il fallait pour lui offrir un minimum de confort et l'aider à reprendre des forces. Lorsque je suis revenu, j'ai à peine eu le temps de le voir allongé sur mon lit avant qu'il ne file à toute vitesse sous le lit en me jetant des regards apeurés.

Quelques heures plus tard, il ronronnait bruyamment sur mes genoux. J'ai décidé de l'appeler Haru parce qu'il ne peut être mon chat que la journée. La nuit, je suis obligé de le mettre dehors pour ne pas que quelqu'un remarque sa présence. Par chance c'est un chat très discret, comme s'il avait compris qu'il n'avait pas vraiment le droit d'être ici.

S'il est ici dans ma chambre, c'est que Jae-Won a dû le laisser entrer. Le jour où il a découvert le chat dans mes appartements, Jae-Won est devenu hystérique de joie. Il adore les animaux mais, bien évidemment, il ne peut en avoir un à lui.

De plus, contrairement à ma chambre, la sienne n'a pas de fenêtre donnant directement dans la petite ruelle aux poubelles pour permettre à un chat de rentrer et sortir comme bon lui semble. Sans compter qu'il y a beaucoup trop de monde qui passe et repasse dans ses appartements.

Pour ma part, les seules personnes qui passent me voir sont Jae-Won et parfois Won-shik - même s'il préfère me convoquer dans son bureau lorsqu'il a quelque chose à me dire. J'ai donc assez peu de chances d'être pris en flagrant délit de détention féline.

Haru semble me regarder d'un air anxieux. Est-il vraiment inquiet pour moi ou est-ce simplement moi qui me fait des films ? Je lève la main pour le caresser et au moment où je pose ma main sur sa tête, il se love tout contre moi en ronronnant.

"Tu es réveillé ? Comment tu te sens ?"

J'essaie de parler mais aucun son ne sort. Seul un léger souffle s'échappe de ma gorge en même temps qu'un brasier s'étend dans mon gosier. Qu'est-ce que c'est que ça encore ? Pourquoi ma gorge me fait-elle aussi mal ?

"Non n'essaie pas de parler. Le médecin m'a dit que tu aurais certainement mal à la gorge pendant quelques jours. Il est passé t'examiner pendant que tu dormais. Cet homme... il a essayé de t'étrangler après t'avoir... si j'avais été là je l'aurait... !"

Il ne termine pas sa phrase mais son regard en dit long. Pourquoi souhaite-t-il tant que je reste en vie ? Qu'est-ce que j'ai de si spécial pour que Jae-Won se soit autant attaché à moi ? J'ai beau y réfléchir, je ne comprends toujours pas...

J'enregistre la nouvelle de mon aphonie. Plus de voix pendant plusieurs jours. Voilà qui me convient. Je n'ai jamais été un grand bavard de toute façon.

"La police l'a embarqué sans sommation. Apparemment, il était connu pour diverses violence sexuelles, dont plusieurs sur des prostitués. Tu n'étais malheureusement pas le premier. J'espère seulement que tu seras le dernier. Je ne comprends pas comment Won-Shik a pu te laisser avec lui. Il a bien dû sentir qu'il y avait quelque chose de pas net avec ce type. Lui qui se targue de pouvoir analyser la nature profonde de quelqu'un en moins d'une minute, il ne peut pas dire qu'il ne l'a pas vu venir. Il ne vaut pas mieux que l'autre enflure..."

Il soupire et passe sa main dans ses cheveux. Je ne sais pas quelle heure il est, ni quel jour nous sommes. J'espère seulement que je ne suis pas resté inconscient trop longtemps. Plus de temps me sépare de ma prochaine rencontre avec Do-Won et mieux je me porte.

Quelqu'un toque à la porte et je m'empresse de remonter la couette sur mon cou pour qu'on ne voit pas Haru lové sur ma poitrine. Lorsque Jae-Won s'enquiert de l'identité de la personne derrière la porte, la voix étouffée de Lemy nous répond.

C'est bien la première fois qu'il vient me rendre visite. La deuxième si on compte son sauvetage miraculeux. Je fais signe à Jae-won qu'il peut le laisser entrer et prends bien soin de cacher les oreilles d'Haru qui menacent de dépasser.

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant