Chapitre 4 (suite)

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Si je l'avais pu, je lui aurais rétorqué que lui, ne risquait pas de tomber sur ce genre de dérangés. Il est bien trop précieux aux yeux de Won-Shik et ce dernier prend grand soin de le confier aux meilleurs clients. Bien sûr tous n'étaient pas des saints, mais ce n'étaient pas non plus les monstres que me réservait notre cher patron.

"Yoongi, il faut que tu dises à Won-Shik que tu ne veux plus de ce genre de clients. Que dans le cas contraire tu arrêtes tout et tu t'en vas."

Je lève les yeux au ciel. Si je l'avais pu, j'aurais même rit. Facile à dire pour lui. Il a les moyens de mettre la pression à Won-Shik. Il est l'un de ses éléments les plus précieux. Alors que Won-Shik sait parfaitement que je suis à sa merci Je ne peux pas partir, je n'ai rien, nulle part où trouver refuge. Je préfère encore mourir étranglé par un taré que de crever dans la rue comme un chien. Ce serait encore plus pathétique.

Si j'ai le malheur de revendiquer quelque chose, je suis sûr que Won-Shik me jettera à la rue. Il n'a pas d'intérêt à me garder si je ne fait pas ce qu'il me demande. Les autres ont tous quelque chose bien à eux, moi je n'ai rien à par ma docilité feinte.

"Quand Yoongi est parti dans ses appartements, reprend Lemy, j'ai entendu la bande d'homme avec qui il était venu rire comme des déments après son départ. J'ai immédiatement eu un mauvais pressentiment..."

Mon attention se reporte sur les paroles de Lemy. Qu'est-ce qui avait pu le pousser à entrer dans ma chambre ? C'était chose commune que certains clients soient plus ou moins violents. Certains d'entre nous le tolérait, d'autres pas.

"Quand je suis arrivé, je l'ai entendu hurler de cracher quelque chose. Je savais ce qui s'était passé l'après-midi, donc je ne me suis pas posé plus de questions. De toute façon on en prend pratiquement tous ici... Je suis quand même resté derrière la porte pour écouter quelques minutes, au cas où. Désolé Yoongi, je ne voulais pas jouer les voyeurs, je te le promets".

Je hoche la tête pour lui indiquer que je ne lui en veut pas, mais le regrette immédiatement, au moment où ma gorge explose de douleur. C'est de pire en pire.

"J'ai entendu des bruits sourds. Pensant que c'était seulement les bruits du lit contre le mur, j'allais repartir mais là... ses yeux se baissent et il n'ose plus me regarder. Je t'ai entendu faire des bruits vraiment bizarres, comme si tu étais en train de t'étouffer. Et je n'entendais pas l'autre réagir. Alors j'ai décidé de défoncer la porte et tant pis pour les conséquences. C'est là que je l'ai trouvé au-dessus de toi. Il était littéralement en train de t'étouffer avec... et il te serrait la gorge en même temps. Tu avais les yeux rouges, exorbités et injectés de sang..."

Il reste silencieux une seconde, comme si ce souvenir était douloureux pour lui, avant de reprendre.

"Je pensais que tu étais mort. J'ai commencé par neutraliser ton agresseur. J'ai pris quelques cours d'arts martiaux quand j'étais plus jeune, je n'aurais jamais pensé que ça pourrait me servir de cette façon. Ensuite je me suis précipité vers toi pour te réanimer et j'ai bien cru que je n'y arriverais pas..."

Il marque une pause, la voix tout à coup beaucoup plus rauque.

"Heureusement... tu as fini par ouvrir les yeux quelques secondes plus tard".

Son ton est comme empreint de gratitude. Comme si j'avais moi-même décidé de revenir, d'avaler cette goulée d'air qui avait remis la machine en marche. Sauf que non Lemy, tu dois ce miracle entièrement et uniquement à toi.

"Ensuite j'ai appelé un ami qui travaille dans la police, puis je suis allé chercher Won-Shik. La police est arrivée et m'a posé quelques questions avant d'aller voir Won-Shik et d'embarquer le client toujours inconscient. Je me suis d'ailleurs fait passer un énorme savon par le patron pour les avoir fait venir ici".

En écoutant le récit de Lemy, je me rends compte des risques qu'il a pris pour moi, pour me sortir des griffes de ce fou ambulant, pour me ramener à la vie. Tant d'efforts pour quelqu'un qui ne ressent aucune gratitude envers lui. Juste une profonde incompréhension et de la rancœur.

Je sais que c'est injuste de ma part, mais je ne peux m'en empêcher. Pourquoi la vie cherche-elle à me faire souffrir chaque jour un peu plus. Pourquoi n'ai-je pas droit à un peu de répit, de repos ?

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant