Chapitre 4 (suite)

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Ils continuent leur discussion mais je ne leur prête plus attention. Sous la couette, je caresse imperceptiblement Haru qui dort paisiblement contre moi et je me demande ce qu'il serait advenu de lui si la mort m'avait emporté comme je l'avais souhaité.

Il faut que je me rappelle que j'ai maintenant une petite vie qui dépend de moi. Enfin c'est un chat. Adorable qui plus est, il retrouvera facilement une famille. Et je suis sûr que Jae-Won ne l'aurait jamais laissé mourir de faim. Il s'est autant attaché à la petite créature que moi.

"Tu devrais manger ta soupe avant qu'elle refroidisse mon chat".

Je déplace imperceptiblement - du moins je l'espère - ma petite boule de poil sur le matelas et Jae-Won m'aide à m'adosser contre les coussins empilés dans mon dos pour me faire une sorte de dossier. Je n'ai pas hâte de faire passer quoi que ce soit dans ma gorge. Je n'ai même pas osé m'hydrater alors que je meurs de soif.

"Bois doucement et ça devrait aller. Surtout ne prends pas de grandes gorgées et prends le temps d'avaler.

- Elle n'est pas trop chaude donc tu peux boire sans avoir peur de te brûler, ajoute Lemy".

Le thermos est équipé d'un paille intégrée directement dans le couvercle, par laquelle j'aspire doucement. Les contractions de ma gorge me font terriblement mal et je dois m'y reprendre à plusieurs fois avant de sentir un liquide tout juste chaud glisser douloureusement dans mon oesophage. La douleur est forte mais pas insoutenable. Soulagé, je continue à boire avec précaution, par petites gorgées, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien dans le récipient.

La soupe était vraiment délicieuse et je remercie Lemy d'un léger hochement de tête. Du moins j'espère qu'il l'interprète comme tel. Je n'ai pas le force de tenter ne serait-ce qu'un chuchotement. Même si la soupe a momentanément apaisé la brûlure dans ma gorge, la douleur est toujours présente et je ne préfère pas l'aggraver.

De leur côté, Jae-Won et Lemy continuent leur conversation comme de vieux amis. Ils semblent bien s'entendre. Je ne sais pas s'ils avaient déjà eu l'occasion de discuter tous les deux, mais je suis content que le courant passe bien entre eux. Ce sont les deux personnes que j'apprécie le plus ici, et malgré ma situation, ils ont su m'apporter leur soutien et m'ont toujours traité comme une personne normale, pas comme un paria. Ou comme un objet.

Lemy finit par se lever et quitter la pièce, son travail au bar demandant de la préparation avant l'ouverture. En temps normal j'aurais dû être avec lui pour l'aider, mais mon état m'empêche de me lever. Et je ne suis pas sûr que Jae-Won me laisserait mettre un pied hors de cette chambre même si j'en était capable.

"Il est sympa Lemy. Je l'aime beaucoup. Je n'avais jamais eu l'occasion de parler avec lui, mis à part pour les politesses requises. Et je lui suis tellement reconnaissant qu'il ait été là pour te sortir des griffes de ce monstre. Il faudra qu'on fasse quelque chose pour le remercier".

Je réponds à mon ami par un hochement de tête. Effectivement, il serait ingrat de ma part de ne rien faire pour le remercier. Même si ce sentiment de rancœur persiste encore. Je réalise toutefois qu'il n'est pas directement dirigé contre Lemy, plutôt contre la fatalité qui m'a laissé espérer un repos éternel, avant de me ramener brutalement dans ce monde sans pitié.

Jae-Won finit par me quitter lui aussi et part se préparer dans ses propres appartements. Je me retrouve finalement seul avec Haru qui se promène tranquillement dans la pièce en reniflant par-ci par-là, à la recherche de nourriture je suppose. Bien que j'ai promis à Jae-Won de ne pas bouger jusqu'à son retour d'ici trente minutes, je ne peux pas laisser Haru mourir de faim.

Je sors de mon lit - en prenant toutes les précautions pour ne pas créer de vibrations dans l'ensemble de mon corps qui risqueraient d'accentuer ma douleur - et ouvre mon armoire, dans laquelle j'attrape la boîte où je cache tout ce qui appartient à Haru.

Jae-Won lui a acheté tant d'accessoires et de jouets que je vais bientôt être obligé d'en acheter une autre. Je lui sers une portion de croquettes et retourne me mettre au lit. Vingt minutes plus tard, mon ami revient, magnifiquement apprêté pour son show de ce soir dans son costume blanc échancré, les cheveux plaqués sur le dessus de la tête dans un style à l'anglaise et les yeux fardés de noir et de paillettes argentées. Il est magnifique et aussi très agité, pour ne pas dire paniqué.

"Won-Shik arrive, il veut discuter avec toi. Il m'a autorisé à rester étant donné que tu ne peux pas parler. Et je préfère être avec toi. Je ne sais pas ce qu'il te veut mais mieux vaut s'attendre à tout..."

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant