Chapitre 2 (suite)

32 2 11
                                    

Les premiers clients commencent à arriver et se dirigent vers les tables et fauteuils rouges de la salle de spectacle - le Red light se doit d'être à la hauteur de son nom - pour passer les premières commandes. Je me sens déjà envahi par la fatigue, alors que la soirée vient à peine de commencer. Le samedi soir, le bar est toujours plein. J'espère avoir la force de tenir toute la nuit.

Les premières commandes servies, j'en profite pour observer ce qui se passe autour de moi. Les places les plus proches de la piste de danse sont prises d'assauts. Ce soir c'est Eun-Woo qui ouvre la danse.

C'est la deuxième star de l'établissement après Jae-Won. A la différence qu'il n'y a aucun charme naturel chez lui. Tout est faux et calculé. C'est une vraie diva qui jalouse la popularité et le talent inné de Jae-Won.

Je ne dis pas qu'il n'a aucun talent, il est doué dans ce qu'il fait. Seulement, il veut toujours trop en faire pour se mettre en avant, ce qui vient gâcher ce qu'il peut dégager naturellement. S'il n'est pas aussi populaire que Jae-Won, il a tout de même son petit lot d'adeptes.

Les lumières faiblissent et prennent une douce couleur rougeâtre, alors que les spots qui longent la scène s'allument. Les premières notes de musique retentissent et Eun-Woo fait son entrée.

Les sifflements et les cris des clients retentissent devant le spectacle qui s'offre à eux. Eun-Woo, une perruque de longs cheveux blonds lui tombant dans le dos et vêtus d'une magnifique robe rouge décolletée jusqu'au nombril s'approche d'une démarche de mannequin.

Il marche jusqu'au bord de la scène, avant de tourner le dos à son public et de se pencher lascivement vers l'avant pour attraper la barre qui trône au centre de l'espace. Les sifflements s'accentuent alors qu'il entame sa première danse.

Je finis par détourner le regard et retourne à ma besogne. Une groupe d'hommes vient de commander une troisième ou quatrième tournée - je ne sais plus. Mon plateau chargé de leurs boissons, je slalome entre les tables jusqu'à arriver à la leur. Ils sont déjà bien éméchés et le regard que me jette un homme blond en chemise rose ne me dit rien qui vaille.

"Alors mon mignon, ça te dit pas de rester un peu avec nous ? Tu sais que t'es tout à fait mon genre ?".

Sa main se pose sur mes fesses et j'ai envie de lui envoyer le plateau dans la figure. Je ne suis pas d'humeur à supporter ces comportements dégradants. Pourtant, je ne réagis pas et commence à poser les boissons une à une sur la petite table ronde, tandis que ses amis rient grassement.

"Eh ! tu pourrais au moins me répondre petite salope. Tu te trimballe dans ton petit short moulant en roulant du cul et tu veux faire la mijaurée ? Tu te prends pour quoi ?"

Respirer, doucement. Ne pas le regarder, l'ignorer, l'ignorer, l'ignorer. Je ne suis pas réellement là. Tout ça n'est qu'un cauchemar. Tu vas te réveiller dans ton lit et te rendre compte que rien de tout ça n'est jamais arrivé.

Comme j'aimerais savoir me mentir à moi-même, arriver à croire mes propres mensonges. J'aimerais retourner me perdre dans ma bulle. Cet espace à moi, dans lequel personne ne peut m'atteindre. Cet endroit où j'aimerais m'enfermer pour toujours et ne plus jamais revenir dans cette réalité. Au moment où je m'apprête à repartir en direction du bar, l'homme à la chemise rose m'attrape le bras.

"Regarde-moi je te dis."

Je tourne malgré moi la tête vers lui et plonge dans ses yeux d'un bleu profond. Dans un tout autre contexte, j'aurais pu le trouver beau, il aurait pu me plaire. J'ai toujours eu un faible pour les blonds. Mais pas ici, pas dans ce bar et encore moins avec ce regard malsain.

"Veuillez m'excuser, je dois y aller, d'autres clients attendent."

Je répond d'une voix dure en me dégageant brusquement et me dirige rapidement vers le bar. Je passe devant Lemy qui, sans avoir besoin d'expliquer quoi que ce soit, m'adresse un signe de tête pour m'indiquer qu'il a compris. Attrapant une bouteille de vodka derrière le comptoir, je fonce vers la petite porte dans le renfoncement du bar et me retrouve dehors. 

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant