Chapitre 2 (suite)

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Je n'ai aucun rêve, aucune envie. Je me contente de survivre dans ce monde qui ne veut pas de moi mais que je ne peux pas quitter. A croire que même la mort refuse de m'ouvrir ses bras. Je suis une âme damnée. Voilà ce que je suis.

Je ferme à nouveau les yeux, et sombre à dans les ténèbres, trop heureux de pouvoir quitter pour quelques instants cette triste réalité.

" Yoongi réveille-toi il faut que tu manges quelque chose et que tu t'hydrates avant de commencer la soirée. Won-Shik est passé voir comment tu allais. Apparemment il a du travail pour toi ce soir. Je suis désolé mon chat."

J'émerge lentement du brouillard protecteur et jette un regard par la fenêtre. La journée est déjà bien entamée. Mon corps est toujours aussi lourd mais au moins j'arrive à bouger mes bras. Je tente de me redresser et immédiatement je sens les mains de Jae-Won me soutenir.

"Douche."

C'est le premier et seul mot que je suis capable de prononcer. Jae-Won m'escorte jusqu'à la salle de bain et m'aide à entrer dans la petite cabine. La pièce est minuscule, tout juste assez grande pour nous permettre d'y rester à deux.

Les carreaux blancs sont ternis par le calcaire qui s'est accumulé au fil des années. Un lavabo aussi terne que le reste, est collé contre le bac de douche et je me demande souvent comment ils ont réussi à le faire entrer dans le minuscule espace qui lui est réservé. A croire que la pièce a été faite autour de l'objet de céramique plutôt que l'inverse.

Won-Shik a dû me donner la chambre la plus miteuse qu'il avait en sa possession. Mais je n'y prête plus vraiment attention. Elle est suffisante pour me permettre d'y vivre. Entre ça et un matelas de bitume, le choix est vite fait.

Je prends appuie contre un des pans de murs qui constituent la salle de bain pour garder un minimum d'équilibre et commence à me savonner. Mes mouvements sont désordonnés et je manque de m'étaler sur le carrelage à plusieurs reprises. Toutefois, je tiens bon jusqu'à ce que j'ai terminé ma besogne.

Jae-Won m'enveloppe dans une serviette et me conduit jusqu'à mon lit, où il m'aide à m'habiller. Je repense à la remarque de Do-Won sur mes vêtements. Le peu d'habits que je possède sont issus du même moule. Joggings, t-shirts, vestes et pulls oversize. Je ne supporte pas les vêtements serrés qui laissent beaucoup trop ressortir ma maigreur.

"Tu veux aller manger quelque part ou tu préfères que j'aille chercher quelque chose à la supérette ?"

Je me lève plein de détermination pour lui montrer que je suis capable de marcher. Il faut que j'aille prendre l'air. Malheureusement mon corps me trahit et Jae-Won me rattrape tant bien que mal avant que je n'aille faire ami-ami avec le sol.

"Mouais. On va y aller doucement. Il nous reste encore un peu de temps avant l'ouverture du bar. Puis comme ce n'est pas moi qui ouvre le cabaret ce soir si j'ai un peu de retard ce n'est pas très grave."

Nous nous retrouvons finalement attablés dans notre restaurant préféré, Le Mandu, dont la spécialité est, comme son nom l'indique, les raviolis. Un minuscule établissement qui ne paye pas de mine mais qui offre un cadre chaleureux avec ses murs de briques et ses petites tables en bois. Et la nourriture y est délicieuse.

Le patron du restaurant, Park Dae-Hyun, se dirige vers nous avec son habituel sourire doux et accueillant. Jae-Won est un vieil habitué des lieux, et je crois que je commence à l'être aussi. C'est devenu une sorte de refuge lorsque j'ai besoin d'échapper à l'enfer du Red Light.

Monsieur Park ne pose jamais de questions et se contente d'offrir sa présence réconfortante en cas de besoin. Nous passons commande et le patron s'éloigne discrètement, de sa démarche rendue légèrement claudiquante par les années. Bien que je sois encore dans les vapes, je sens que mon estomac commence à crier famine. J'espère seulement qu'il ne va pas être agité des mêmes soubresauts que lorsque Jae-Won m'a aidé à boire.

Quelques minutes plus tard, notre commande arrive, une soupe de mandu pour moi et une assiette de mandu fris pour Jae-Won. Nous entamons notre repas dans le calme. Rien d'anormal de mon côté, je ne suis pas quelqu'un de très bavard de nature. Pour Jae-Won en revanche, c'est inhabituel.

Il a toujours quelque chose à dire en temps normal. J'espère que ce n'est pas à cause de moi qu'il est aussi silencieux. Je ne supporte pas d'être une source de tracas pour qui que ce soit. Je ne mérite pas que les gens s'inquiètent pour moi.

Notre repas terminé, nous saluons monsieur Park et retournons au Red Light pour une nouvelle nuit de travail. Ou plutôt de calvaire. Je me sens mieux après avoir ingurgité un peu de carburant, mais ne suis pas prêt pour autant à servir à nouveau de souffre-douleur au premier frustré qui passe.

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant