Pretty Little Thing

Chapitre 9

A la seconde où la porte du petit immeuble se referme derrière moi, des larmes silencieuses coulent le long de mes joues. Comme si mon cœur faisait le deuil de cet ange qui aurait pu le sauver. Je ne retournerais plus le voir, je n'irais plus traîner du côté du petit salon de thé. C'était la dernière fois que je passais du temps en sa compagnie.

Il ne me faut qu'une vingtaine de minutes pour rejoindre l'entrée du bar. Les antalgiques ont fait des miracles momentanés sur mon corps. Je n'ai presque plus mal et marche d'un pas régulier et résigné. Je tourne le coin de la rue, et aperçois les néons rouges de l'enseigne du Red Light, illuminant de son auréole rouge les bâtisses environnantes.

Comme à chaque fois que je pénètre cet espace de lumière carminé, j'ai le sentiment de franchir les portes d'une autre dimension. D'un monde parallèle dans lequel je n'existe plus vraiment. Où Yoongi s'est réfugié dans un tout petit espace, pour faire place à ce garçon qui ne connaît rien d'autre de la vie, que les malheurs qu'elle s'acharne à faire pleuvoir sur lui.

"Mon chat tu es là !"

Un Jae-Won angoissé se précipite sur moi avant que ses traits ne prennent une expression horrifiée.

"Yoongi... que t'est-il arrivé ? Qui t'as fait ça ? Je te jure que si c'est Do-Won, cette fois il ne s'en tirera pas comme ça.
- Ce n'est pas lui. Enfin pas complètement. C'est une longue histoire...
- Viens dans ma chambre, tu pourras tout m'expliquer avec une assiette de mandu. Je suis allé t'en acheter, au cas où tu n'aurais rien mangé."

L'attention de Jae-Won me touche. Vraiment. Mais pour le moment j'ai juste envie d'être seul. Sans compter que j'ai encore une épreuve à passer, avant de pouvoir oublier définitivement cette journée.

"Je ne peux pas, il faut d'abord que j'aille m'expliquer avec Won-Shik.
- Très bien. Mais promets moi de venir me voir quand tu auras fini."

Je hoche la tête mais ne lui promets rien. Je vois à son expression qu'il a compris.

"Tu sais où me trouver mon chat. Je serais toujours là quand tu en auras besoin."

Je lui adresse un maigre sourire et prend la direction du bureau de mon patron. Les mains moites et le cœur battant, je toque à la porte en bois et attends une réponse.

"Entrez."

J'actionne la poignée et entre dans la pièce. Won-Shik, vêtu d'un costume blanc immaculé, me regarde avec étonnement avant que son regard ne change.

"Yoongi. son ton est dur et froid. Je ne pensais pas que tu aurais le culot de revenir."

Le culot de revenir ? Comme si j'étais l'entier responsable de la situation.

"L'après-midi avec monsieur Lee Do-Won ne s'est pas très bien passée. J'ai été obligé de quitter le lieu qu'il avait réservé. J'en suis désolé."

Les yeux baissés, je n'arrive pas à soutenir plus longtemps le regard de l'homme qui se tient derrière le bureau.

"Oui il m'a appelé. Apparemment, tu n'as pas été très docile. Je pensais pourtant que nous étions d'accord sur la façon dont tu devais te comporter avec monsieur Lee. C'est un client très important, nous ne pouvons pas nous permettre de le perdre."

Mon cœur bondit dans ma poitrine face à ces accusations injustes. Encore une fois, c'est moi le problème. Seul son foutu porte-monnaie compte. Je relève des yeux brûlants de colère vers lui.

"Je pensais aussi que nous étions sur la même longueur d'onde. Surtout après l'accord que nous avons passé concernant la violence de mes clients."

Il plisse légèrement ses petits yeux perçants, mais ne dit rien.

"Je pensais que vous aviez au moins eu la décence d'en parler avec lui. Mais c'était plutôt à croire que vous vous étiez mis d'accord avec lui pour me faire payer mon insolence. Je suis un être humain. Pas un animal. Et encore, même ce genre d'agissements sont interdits sur eux. Alors pourquoi le laisser s'acharner sur moi, si ce n'est pour vous venger ?
- Je ne sais absolument pas de quoi tu parles, me répond-il d'un ton qui me certifie que j'ai raison.
- Je pense au contraire que vous le savez parfaitement. Je ne veux plus revoir Do-Won. C'est un monstre et vous le savez très bien.
- Tu n'es aucunement en position d'ordonner quoi que ce soit ici. J'ai eu la gentillesse de te recueillir, de t'offrir de la nourriture et un foyer. Et après tout ce temps, c'est comme ça que tu me remercie ? Ma bonté me perdra, assurément."

Je le regarde avec de grands yeux ronds et pousse une exclamation d'incrédulité.

"Votre bonté ? Quelle bonté ? Celle qui se cache derrière les paquets de billets que vous vous faites sur mon dos ? Laissez-moi rire. Je pensais que vous étiez quelqu'un d'honorable. Mais maintenant je vois clair dans votre jeu. Vous n'êtes qu'un opportuniste qui profite de ceux qui sont dans la misère."