Chapitre 2 (suite)

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J'espère simplement que le travail que Won-Shik veut me confier ce soir ne me demandera pas beaucoup d'efforts. Rester allongé sans bouger, je peux faire sans problème. Me dandiner pour répondre aux requêtes d'un dépravé risque de poser plus de problèmes.

Jae-Won me raccompagne devant ma chambre avant de partir se préparer pour la soirée. Il travaille au Red Light depuis bientôt 5 ans. Il n'a jamais eu trop de mal à s'acclimater, lui qui aime être au centre de l'attention.

C'est donc tout naturellement que le patron l'a intégré aux divers spectacles de chants et de danses qui ont généralement lieu le week-end. Il est vraiment doué. Il possède une voix magnifique et un charisme ravageur. Impossible d'être indifférent à la présence de mon ami.

C'est une sorte de star dans l'établissement et les hommes paient chers pour une soirée avec lui. Et attention à celui qui osera abîmer la précieuse marchandise. Jae-Won est un véritable trésor aux yeux de Won-Shik et j'ai souvent peur qu'il ne le laisse jamais partir. Il lui rapporte beaucoup trop gros. Je pense que Jae-Won le sait, même s'il ne m'en a jamais parlé.

Je me change, enfile ma tenue de travail - un short moulant noir, un t-shirt blanc avec un large col en V et des bas résilles avec de petits mocassins noirs. Je déteste cette tenue. Tout autant pour le côté dégradant que pour l'effet qu'elle produit sur les hommes du bar.

Lorsque je ne suis pas obligé d'occuper les clients dans ma chambre, je m'occupe du bar et du service. Won-Shik n'étant pas encore passé me voir, j'imagine que je dois passer la première partie de la soirée au comptoir.

J'aperçois Lemy derrière le comptoir rouge à led du bar, déjà prêt à entamer la soirée. Il est un peu plus âgé que moi et travaillait dans un autre bar avant d'arriver ici. Won-Shik ne sachant pas encore quoi faire de moi quand il m'a recueilli, il a chargé Lemy de m'apprendre les rudiments du métier de barman. Il est arrivé presque en même temps que moi et nous nous entendons plutôt bien.

Selon les dires de Won-Shik, il est d'une telle banalité, qu'il attire peu l'intérêt des clients. Visiblement, être d'une taille moyenne, avec des cheveux noirs coupés plutôt court et les yeux d'un brun profond ne correspond pas aux critères de beauté qui s'arrachent dans le coin.

Il ne s'en plaint pas. Il m'a même déjà avoué qu'il faisait en sorte de ne pas ressortir du lot pour qu'on le laisse tranquille. Plutôt malin, j'aurais aimé pouvoir faire de même. Malheureusement, ma petite taille, la blancheur de ma peau et mon visage "quasi parfait" m'empêchent de postuler pour un emploi de plante d'intérieur officiel.

J'arrive près du bar et salue Lemy d'un petit sourire. J'ai vite appris grâce à sa patience et sa pédagogie. Je me débrouille plutôt bien à présent, et prends presque plaisir à servir le soir. Presque. Ce serait le cas s'il n'y avait pas tous ces regards lubriques braqués sur moi, accompagné des remarques déplacées et des attouchements non désirés qui vont souvent avec.

Une fois, j'ai eu le malheur de répondre à un client un peu trop entreprenant pour le remettre à sa place. Il s'est senti offensé, au point de demander à parler au responsable du bar et exiger un dédommagement pour cet affront. A cette époque, j'avais encore suffisamment de dignité pour me rebeller contre ce genre de personnes.

C'est à ce moment-là qu'à débuté ma descente aux enfers, quand Won-Shik m'a demandé de lui faire un show privé - gratuitement. Suite à quoi il m'a convoqué plus tard dans son bureau pour m'expliquer que je devais apprendre à faire fi des remarques déplaisantes, que je n'étais pas en position de me permettre ce genre de réactions.

Surtout vis-à-vis de clients aussi importants. Que je devais me contenter de les ignorer si je ne souhaitais pas répondre à leurs demandes, et ne surtout pas reproduire ce qui c'était passé. Il ne pouvait pas se permettre de perdre ce genre de clients.

C'est aussi ce jour-là que j'ai compris que les intérêts de Won-Shik étaient avant tout centrés sur son business et son image. Quitte à entacher celle de ses propres employés. J'ai donc appris à prendre sur moi, à ne rien dire, à ne rien laisser paraître et à me perdre moi-même. 

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