Chapitre 8 (suite)

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Son expression est celle de la bienveillance incarnée. Malheureusement pour lui, je ne peux pas lui répondre. Ça équivaudrait à devoir lui expliquer bien trop de choses sur moi que je ne veux surtout pas qu'il sache. Je refuse qu'il me voit autrement que comme le mec avec lequel il a passé un moment dans un café.

"Je ne peux pas désolé.
- Tu ne peux pas, ou tu ne veux pas ?"

Son ton est presque accusateur et on se défie du regard pendant quelques secondes.

"Je ne veux pas, je finis pas répondre, vaincu."

Son visage prend une expression peinée que je regrette immédiatement. Mais je ne lui donnerais pas ce qu'il veut, même avec les expressions les plus tristes du monde.

"Ok. Je comprends que tu ne fasses pas confiance à un mec que tu connais à peine..."

Sa remarque me surprend. Ce n'est pas du tout cette raison qui me pousse à ne rien lui dire. Même si cet argument devrait en effet entrer en compte. Je ne veux juste pas qu'il sache ce que je suis réellement. Une putain, qui va sans aucun doute se retrouver à la rue à la seconde où il aura quitté cette pièce rose. Enfin, il peut penser ce qu'il veut. Ce sera toujours moins pire que la réalité.

"Tu fais partie d'un gang et il t'ont massacré parce que t'as désobéi à ton boss ?"

Il peut penser ce qu'il veut... mais pas ça. Il ne manquerait plus qu'il commence à s'imaginer que je suis un gangster et qu'il va avoir des ennuis parce qu'il m'a soigné et ramené chez lui.

"Non, aucun rapport.
- Alors qui t'as fait ça ? Comment c'est possible de se retrouver avec autant de bleu si on ne t'as pas passé à tabac ?
- C'est juste possible. Arrête de poser des questions maintenant."

Mon ton est plus froid que je ne l'aurais voulu, sûrement dû à mon extrême fatigue. J'ai du mal à gérer mes émotions quand je suis épuisé. Des vibrations retentissent sous le coussin contre lequel je suis adossé. Mon téléphone. Je l'ignore et ne prends même pas la peine de regarder qui tente de me joindre.

"Tu ne réponds pas ? Tes parents doivent être inquiets que tu ne sois toujours pas rentré. Tu devrais au moins leur dire que tu restes chez moi pour la nuit.
- Mes parents ne s'inquiètent pas pour moi. Arrête avec ça. Et je ne reste pas pour la nuit. Je repars dès que je suis en état de marcher."

A nouveau cet air triste, qui me donne envie de retirer mes paroles, et de rester ici juste pour lui faire plaisir. Mais je ne dois pas lui donner le moindre espoir qu'il puisse se passer quelque chose entre nous. Même amicalement parlant. Je décide donc de sortir du lit, avant de me rendre compte que je suis en t-shirt et caleçon. Un t-shirt qui n'est vraisemblablement pas le mien. Bien trop moulant et trop coloré. La colère monte et je ne peux m'empêcher de hausser la voix.

"Tu m'as déshabillé ?! Qui t'as permis de me toucher !"

Je comprends soudain comment il a pu voir que j'étais couvert de bleus, chose que je n'avais pas relevée quand il me l'a demandé. Je vois bien à son air qu'il est perdu, qu'il ne comprend pas pourquoi je m'énerve. Et je ne peux pas lui expliquer que, parmi toutes les choses qu'il ne devait pas faire, celle-là arrive en tête de liste.

Ce n'est pas que je ne veux pas qu'il me touche, je ne supporte simplement pas le contact si je n'ai pas donné mon autorisation avant. Tout du moins en dehors de l'établissement. Mon corps ne m'appartient déjà pas quand je suis avec des clients, ce n'est pas pour que ce soit aussi le cas lorsque je suis en dehors du Red Light.

J'ai mis des mois avant d'accepter la proximité de Jae-Won, sa présence, ses moments de tendresse. Et encore, il est la seule personne en qui j'ai une confiance absolue. Si je le laisse aujourd'hui avoir une telle familiarité avec mon corps, c'est parce que je sais qu'il ne fera jamais rien de déplacé, ou sans mon consentement.

Je n'imagine pas que ce puisse être le cas de Jimin, mais malheureusement, mon corps réagit autrement, lui. Sans compter - et c'est peut-être là le vrai problème - qu'il a dû voir tous les sévices que j'ai subis et qui ont marqué ma peau. Ces petites cicatrices, qui s'accumulent au fur et à mesure.

"Je- je suis désolé. Tu étais trempé et tes vêtements étaient sales. Je ne pouvais pas te laisser comme ça... Et comme tu étais inconscient j'ai bien été obligé de te les retirer..."

Il a l'air complètement paniqué et c'est ce qui finit par me calmer. Un peu. Je reprends d'un ton un peu moins dur, mais toujours sec.

"T'aurais juste dû me laisser comme ça...
- Si je t'avais mis dans mon lit habillé comme ça, ma mère m'aurait arraché la tête.
- T'aurais dû me laisser dehors dans ce cas. Pourquoi t'embêter à ramasser un mec comme moi ?"

Je lui ai lancé ma phrase d'un air désabusé, comme si la réponse ne m'importait pas. Mais je suis curieux de comprendre ce qui l'a poussé à ramener un mec à moitié mort chez lui.

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant