Chapitre 4

24 2 10
                                    

" Je t'ai apporté une soupe."

Lemy s'avance vers moi, dans cette petite pièce miteuse qui me sert de chambre, légèrement mal à l'aise, un thermos dans les mains qu'il dépose sur la petite table de chevet près de mon lit.

"Je l'ai faite bien claire pour atténuer la douleur de ta gorge. Je doute que tu puisses manger grand-chose d'autre avant quelques jours."

Je le remercie du regard, incapable d'exprimer autrement ma gratitude. C'est bien la première fois que quelqu'un ici fait quelque chose de gentil pour moi - en dehors de Jae-Won bien entendu. Debout dans la pièce, les bras ballants, ses yeux se posent un peu partout dans la pièce sauf sur moi. Il semble embarrassé mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi.

"Je sais que tu n'aimes pas trop la compagnie, j'espère que je ne dérange pas" me dit-il à mi-voix.

Je comprends soudain la raison de sa gêne. Effectivement, en temps normal je n'aime pas trop la compagnie, mais celle de Jae-Won et Lemy ne me dérange pas. Même si les recevoir dans cette chambre pitoyable, dépourvue de la moindre décoration, de la moindre appropriation, n'est certainement pas le lieu le plus agréable qui soit.

Lorsque Won-Shik m'a montré la pièce où j'allais vivre quand il m'a recueilli, je n'ai pas fait la fine bouche. Je venais de passer plusieurs semaines dans la rue. La pièce aurait pu être infestée de cafard et de rat, j'aurais quand même accepté d'y dormir, du moment que j'avais de quoi m'abriter du froid et de la pluie.

La pièce est minuscule, juste de quoi recevoir un lit, une armoire et la petite table de chevet doré sur laquelle Lemy a posé le thermos de soupe. Cette petite table de chevet que m'a offerte Jae-Won quelques temps après mon arrivée, lorsqu'il a vu que je n'avais rien à part mon lit et cette vieille armoire métallique. Le même genre d'armoires que l'on peut trouver dans les régiments militaires. Sûrement de la récupération.

Un vieux fauteuil de velour noir - récupéré chez Jae-Won qui voulait s'en débarrasser - vient compléter le peu de mobilier qui compose la pièce. Il est habituellement casé entre mon armoire et le mur, seul espace disponible de la pièce, et actuellement occupé par le royal fessier de mon ami.

La tapisserie - d'un vert menthe d'une autre époque - se décolle par endroit, moitié à cause de la vétusté des lieux, moitié à cause de l'humidité qui semble avoir élu domicile ici. La salle de bain ne contient pas d'aération, et cette partie du bâtiment paraît avoir été isolée avec de la paille. Dès qu'il pleut, ou qu'un changement de température survient, je suis le premier à le savoir.

J'ai au moins une petite fenêtre, qui donne certes directement sur la ruelle aux poubelles, mais qui me permet d'apercevoir le jour. Le soleil ne rentre pas dans la pièce, le bâtiment d'en face fait barrage, mais je peux au moins voir le ciel bleu de temps en temps en sortant la tête.

" Tu ne déranges pas du tout, au contraire. reprend Jae-Won avant que le silence ne s'installe. Heureusement que tu étais là. J'ose à peine imaginer ce qui se serait passé autrement..."

Tous deux se lancent un regard plein de sous-entendus. Je sais parfaitement ce qui serait arrivé. Déjà je ne serais pas dans cette pièce, incapable de parler, à souffrir le martyre à la moindre bribe d'air qui traverse ma gorge. Plus je reprends mes esprits et plus la douleur est vive. J'aimerais demander un calmant pour la douleur, mais je ne serais pas plus capable de l'avaler que de prononcer un son. Je ne suis même pas sûr de pouvoir avaler la soupe apportée par Lemy.

"Assieds-toi sur la chaise, je vais me mettre sur le lit."

J'essaie de faire discrètement comprendre à Jae-Won que c'est une mauvaise idée. Haru se trouve toujours sous la couette et même s'il est sage et invisible pour le moment, rien ne dit qu'il ne va pas vouloir changer d'air dans quelques minutes.

Mais mon ami ne prête pas attention à mes signes et s'assit au pied du lit. A quoi joue-t-il ? On ne sait pas si on peut réellement lui faire confiance. Certes il m'a sauvé la vie - je ne sais toujours pas si je dois le remercier ou le maudire pour ça - mais ça ne veut pas dire qu'il ne va pas tout balancer à Won-Shik à la seconde où il verra la petite frimousse de Haru.

Sans prêter attention à leur discussion, je finis par comprendre qu'ils parlent de la soirée qui m'a laissé dans cet état.

"Quand il est arrivé avec son groupe, j'ai senti que quelque chose ne tournait pas rond chez ce type. Mais quand il est parti, j'ai simplement pensé qu'il avait pris la mouche et avait quitté le bar. A aucun moment je n'aurais imaginé que Won-Shik lui avait accordé un moment en compagnie de Yoongi... Si j'avais su, je l'aurais empêché de se rendre dans sa chambre...

- Tu ne pouvais pas savoir Lemy, personne n'est responsable à part Won-Shik. Peu importe qu'il lui ait laissé un pactole en échange, c'est inadmissible de mettre nos vies en danger avec des tarés pareils".

Pretty Little ThingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant