Chapitre 8

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Le couloir de l'hôpital était silencieux, presque oppressant, éclairé par de faibles néons clignotants qui déversaient une lumière froide, presque déshumanisée. Eryx n'arrivait pas à tenir en place. Ses pas résonnaient doucement sur le carrelage blanc, écho constant de son anxiété. Chaque seconde était une torture.

L'air autour de lui semblait lourd, comme si le poids de ce qui allait se passer pesait sur ses épaules. Nyx était dans le bloc opératoire, quelque part de l'autre côté de ces portes fermées, entre la vie et la mort, et il n'y avait rien qu'il puisse faire. Rien.

Il n'avait jamais supporté l'impuissance. Eryx était un homme d'action, un homme qui contrôlait son environnement, qui résolvait les problèmes par la force ou la volonté. Mais là, face à ces médecins, face à cette situation, il n'était qu'un spectateur impuissant.

Chaque fois que la porte du bloc opératoire s'ouvrait ou se fermait, il retenait son souffle, attendant, espérant qu'on vienne lui dire que tout allait bien. Mais à chaque fois, ce n'était qu'une infirmière qui passait, indifférente à son angoisse. L'attente devenait insupportable.

La douleur dans sa poitrine n'était pas seulement émotionnelle. Elle était physique. Chaque battement de son cœur semblait être un coup, comme si le monde entier se resserrait autour de lui, comme s'il était emprisonné dans cette attente. Et dans cette peur.

Arès était revenu à ses côtés après avoir été soigné. Sa jambe était bandée, son corps couvert de contusions, mais il se tenait là, stoïque, essayant de ne pas montrer sa propre souffrance. Son visage était fermé, mais Eryx savait que son ami ressentait la même peur. Ils étaient tous les deux au bord du gouffre, attendant de savoir si Nyx allait s'en sortir.

"Assieds-toi," murmura Arès, sa voix rauque, son regard fixé sur Eryx.

Eryx secoua la tête. Il ne pouvait pas s'asseoir. Pas maintenant. Il se sentait comme une bombe prête à exploser, chaque muscle tendu, chaque pensée submergée par l'inquiétude et la culpabilité. Il n'avait pas pu la protéger. Il avait échoué. C'était de sa faute si elle était là.

Son regard fixait obstinément la porte fermée du bloc, comme si, à force de volonté, il pouvait forcer ces médecins à sortir et à lui donner des nouvelles. Mais les minutes s'éternisaient, et l'angoisse montait, chaque seconde pesant plus lourd que la précédente.

"Elle est forte," ajouta Arès après un long moment de silence, sa voix plus douce, comme s'il essayait de convaincre autant Eryx que lui-même. "Elle va s'en sortir. Nyx n'est pas du genre à abandonner."

Eryx ne répondit pas. Il savait qu'elle était forte. Il l'avait vue se battre encore et encore, repousser les limites de ce que beaucoup auraient considéré comme impossible. Mais cette fois... cette fois, il n'était pas sûr. La pâleur de son visage, le sang...

"Et si elle ne s'en sortait pas ?" La pensée lui traversa l'esprit, violente et inattendue, comme un coup qu'il n'avait pas vu venir.

Il ferma les yeux un instant, tentant de chasser cette idée, mais elle restait là, en arrière-plan, comme une ombre sinistre.

Le bruit d'une porte qui s'ouvrait le fit sursauter.

Le médecin sortit du bloc, et dès qu'il posa les yeux sur lui, Eryx comprit que quelque chose n'allait pas.

Le visage du médecin était grave, et son regard semblait empreint d'une compassion froide, presque clinique. Eryx sentit son estomac se nouer. Il s'avança, sentant une vague de terreur monter en lui.

"Monsieur..." commença le médecin d'une voix mesurée, posant doucement sa main sur l'épaule d'Eryx.

Le contact physique, aussi léger soit-il, fut comme un coup de tonnerre dans l'esprit d'Eryx. Il se crispa, son corps se tendant instinctivement face à ce qu'il savait être des mauvaises nouvelles. Tout son être se préparait à l'impact, mais rien ne pouvait vraiment le préparer à ce qu'il allait entendre.

"Nyx a subi de graves blessures," commença le médecin, sa voix professionnelle, bien que teintée d'une nuance de tristesse.

"Nous avons dû la plonger dans un coma pour stabiliser son état. Son corps est trop affaibli. Elle a perdu beaucoup de sang, et certains de ses organes ont été endommagés."

Eryx se sentit comme frappé en plein cœur. Un coma artificiel. Sa Nyx, cette femme si forte, si invincible, était maintenant plongée dans un sommeil forcé, son corps trop brisé pour se battre seul. Il avait du mal à respirer, chaque mot du médecin résonnant dans sa tête comme un glas.

Mais ce n'était pas tout. Le pire restait à venir.

Le médecin hésita un instant, puis reprit, sa voix devenant plus douce, plus prudente.

"Il y a autre chose," dit-il lentement, comme s'il pesait chacun de ses mots.

Eryx fixa le médecin, incapable de bouger, son cœur battant violemment dans sa poitrine.

"Elle était enceinte," continua le médecin, ses yeux cherchant ceux d'Eryx pour capter sa réaction.

Le monde sembla s'arrêter.

Eryx resta figé, comme si le sol sous ses pieds venait de s'ouvrir, le laissant au bord d'un gouffre qu'il ne comprenait pas encore pleinement.

"De jumeaux."

Ces deux mots résonnèrent dans l'esprit d'Eryx, lourds de sens, mais encore flous, presque irréels. Enceinte. De jumeaux. Ils allaient avoir une famille. Cette simple pensée, cette réalité qu'il n'avait jamais envisagée aussi pleinement, lui donna le vertige. Une famille. Avec elle.

Mais l'instant d'après, la réalité s'abattit sur lui comme un coup de massue.

"Mais..." La voix du médecin se fit plus tremblante. "Malheureusement, ils n'ont pas survécu."

Le coup fut violent. Trop violent. Eryx recula d'un pas, comme si les mots venaient de le frapper en plein cœur. Ses yeux s'élargirent, sa gorge se serra, et il sentit son corps devenir lourd, tellement lourd. Les enfants...

Ils n'étaient plus. Ils n'avaient jamais eu la chance d'exister. Tout cet espoir, cette possibilité d'un futur différent, s'était effondré avant même qu'il n'ait pu l'embrasser. Ses enfants... Ces petits êtres qui portaient un morceau de lui, de Nyx, avaient été arrachés à ce monde avant même d'y entrer.

"Non..." murmura Eryx, sa voix brisée, presque un souffle, une prière désespérée. "Non, ça ne peut pas être vrai."

Le médecin détourna les yeux, laissant un silence terrible s'installer avant de prononcer les derniers mots. Les mots qui allaient anéantir définitivement Eryx.

"Pour arrêter l'hémorragie," dit-il lentement, "nous avons dû procéder à une ablation de son utérus. Elle ne pourra plus jamais avoir d'enfants naturellement."

Le monde d'Eryx s'effondra.

Il ne pouvait pas respirer. Ses jambes fléchirent, et il tomba à genoux, incapable de contenir le poids de cette révélation. Chaque muscle de son corps tremblait, chaque souffle était un effort. Il avait perdu ses enfants. Ils avaient perdu leur avenir.

Les larmes jaillirent, brûlantes, incontrôlables. Il n'avait jamais pleuré ainsi. Jamais. Pas même dans les moments les plus sombres de sa vie. Mais là, la douleur était trop grande, trop écrasante. Il ne pouvait plus se retenir.

"Non, pas elle... pas nos enfants," sanglota-t-il, sa voix brisée par les sanglots, ses mains crispées sur le sol froid. "Pourquoi... pourquoi eux ? Pourquoi maintenant ?"

Il s'effondra complètement, son corps secoué par des sanglots qu'il ne pouvait plus contrôler. Tout ce qu'il avait voulu, tout ce qu'il avait espéré, lui avait été arraché. Nyx ne pourrait plus jamais avoir d'enfants. Ils ne pourraient jamais fonder cette famille dont il avait rêvé.

Arès regardait son ami, dévasté, incapable de prononcer le moindre mot. Il savait que rien ne pourrait apaiser cette douleur.

Eryx resta là, à genoux, pleurant, incapable de relever la tête, incapable de faire face à cette nouvelle réalité. Il avait tout perdu. Ses enfants. Son avenir. Peut-être même Nyx.


Ashes of RetributionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant