L'air dans la maison était lourd, étouffant, comme si le passé lui-même avait imprégné chaque mur, chaque recoin. Nyx avançait lentement, ses pas résonnant dans le silence assourdissant. Chaque mouvement la ramenait à une époque qu'elle s'était juré d'oublier.
Cette maison, leur maison, celle où elle et Arès avaient grandi ensemble, les inséparables jumeaux. Tout ici lui rappelait une vie différente, une vie où ils étaient encore deux moitiés d'un même tout, unis dans leur jeunesse, avant que tout ne bascule.
Les photographies accrochées aux murs étaient le reflet d'une époque révolue. Nyx s'arrêta devant l'une d'elles. Elle et Arès, à peine âgés de cinq ans, tenant fièrement leurs vélos dans le jardin. Leurs sourires étaient identiques, leurs visages empreints d'une insouciance qu'elle ne reconnaissait plus. Ils avaient tout partagé, depuis leur naissance jusqu'à ce jour fatidique où il avait disparu.
Elle posa doucement sa main sur le cadre poussiéreux. Un frisson la traversa. Ce frère, cet autre elle-même, l'avait laissée seule dans un monde qu'elle ne comprenait plus. Ils étaient nés ensemble, avaient tout vécu ensemble, et pourtant, il avait choisi de disparaître, de la laisser affronter le vide, la douleur. Il l'avait trahie. Et ce simple geste de regarder leur enfance heureuse éveillait en elle une tempête d'émotions contradictoires.
Mélancolie, colère, tristesse, tout se mélangeait. Elle avait pleuré Arès des centaines de nuits. Elle avait pleuré la moitié d'elle-même, son jumeau, son autre moitié. Elle avait erré dans l'obscurité pendant des années, ne vivant que pour la vengeance. Et maintenant, après tout ce temps, il était ici. Vivant.
Nyx serra les poings, le poids de toutes ces années pesant sur elle comme une enclume. Comment avait-il pu ? Comment avait-il pu lui faire ça, à elle, la seule personne qui l'avait toujours compris ? Leurs vies étaient inextricablement liées, et pourtant, il avait choisi de rompre ce lien.
Elle détourna les yeux de la photo et se força à avancer, chaque pas devenant plus lourd. La maison semblait respirer leur passé commun, chaque pièce un rappel douloureux de leur enfance. Le salon, avec ses vieux meubles poussiéreux, lui rappelait les après-midis où ils s'étaient battus pour la télécommande, les soirées passées à se moquer des adultes. Tout était figé, comme si le temps s'était arrêté le jour où Arès était parti.
Elle prit une grande inspiration, tentant de calmer le tumulte intérieur qui grandissait en elle. Mais c'était impossible. La maison la rongeait de l'intérieur, chaque souvenir qui remontait à la surface l'éloignait un peu plus de la maîtrise de ses émotions. Elle devait le retrouver. Arès était ici. Elle le savait.
Ses pas l'amenèrent devant la porte de la chambre d'Arès. Le cœur de Nyx se serra. Ce n'était plus juste une chambre. C'était le lieu où son frère, son jumeau, se cachait. Celui qu'elle avait cherché pendant toutes ces années. Celui qu'elle avait pleuré, haï, mais aussi espéré retrouver. Mais maintenant qu'elle était là, face à cette porte, elle se sentait terrifiée à l'idée de ce qu'elle pourrait découvrir.
La poignée froide entre ses doigts tremblants, elle ouvrit doucement la porte. L'obscurité régnait dans la pièce, mais elle distingua immédiatement une silhouette. Arès. Il était là, assis sur le bord du lit, son dos voûté par une fatigue invisible.
"Nyx," murmura-t-il, sa voix rauque, presque brisée.
Son prénom, prononcé par Arès, fit jaillir une vague d'émotions si puissantes qu'elle dut s'accrocher à la porte pour ne pas fléchir. Elle avait tant de choses à lui dire, tant de questions, tant de colère refoulée. Elle l'avait cru mort. Elle l'avait cherché. Elle avait tout sacrifié pour lui, pour cette vengeance qu'elle pensait juste. Et là, il était, vivant, respirant, comme si toutes ces années n'étaient qu'un mauvais rêve.
Nyx s'avança dans la pièce, le cœur battant à tout rompre. Ses émotions la submergeaient, un torrent d'amour, de haine, de douleur. Ses yeux brûlaient de larmes qu'elle refusait de laisser couler. Comment pouvait-il être là, après tout ce temps ?
"Où étais-tu ?" murmura-t-elle, sa voix brisée sous le poids de sa tristesse et de sa colère.
Arès leva les yeux vers elle, mais il ne répondit pas tout de suite. Le silence entre eux était lourd, presque insupportable. Nyx sentit une boule se former dans sa gorge. Elle avait besoin de réponses. Elle avait besoin de comprendre pourquoi il était parti, pourquoi il l'avait abandonnée, pourquoi il n'avait jamais cherché à la retrouver.
"Loin..." finit-il par dire, son ton distant, comme s'il s'agissait de la seule réponse qu'il pouvait lui donner.
Loin. Ce mot résonna dans la tête de Nyx comme un coup de poignard. Des années de silence, des années à pleurer, à haïr le monde pour ce qu'il lui avait pris, et tout ce qu'il pouvait dire, c'était qu'il était "loin" ? Sa colère explosa.
"Loin ?!" répéta-t-elle, la voix tremblante de rage et de douleur.
"J'ai tout sacrifié pour toi, Arès. J'ai détruit des vies pour toi, et tu me dis que tu étais 'loin' ?"
Sa voix se brisa sur ces derniers mots. Elle tremblait. Son corps, son esprit, tout en elle était sur le point de céder sous le poids de la tristesse qui la submergeait. Elle avait voulu le retrouver pour comprendre, pour avoir des réponses, mais maintenant qu'elle était face à lui, tout ce qu'elle ressentait était de la colère, de l'amertume.
Arès baissa les yeux, incapable de la regarder en face. Il semblait fatigué, usé par le temps, comme si les années l'avaient marqué plus profondément que ce qu'elle pouvait voir. Mais cela n'apaisait pas sa colère. Il l'avait laissée seule.
"Ce n'est pas aussi simple," murmura-t-il, sa voix à peine audible. "Je ne pouvais pas revenir. Pas comme ça."
Pas comme ça ? Ce n'était pas suffisant. Cela ne pouvait pas justifier tout ce qu'elle avait traversé, tout ce qu'elle avait perdu. Elle méritait des explications, des réponses, pas des demi-vérités.
"Explique-moi alors.." dit-elle, la gorge serrée. "Explique-moi pourquoi tu m'as laissée."
Les larmes brûlaient derrière ses paupières, mais elle refusait de les laisser couler. Pas devant lui. Elle ne voulait pas montrer sa faiblesse, même si chaque mot qu'elle prononçait semblait rouvrir des blessures profondes.
Arès soupira lourdement, comme s'il portait un fardeau invisible. Il fit quelques pas dans la pièce, évitant toujours de croiser son regard.
"Il y avait des choses... que je ne pouvais pas te dire," finit-il par murmurer. "Des choses que tu n'es pas prête à entendre."
Nyx s'avança brusquement, le cœur battant à tout rompre.
"Je suis prête à tout entendre, Arès ! " répliqua-t-elle, sa voix à la fois ferme et désespérée. "Tu me dois la vérité ! "
Arès finit par la regarder en face, ses yeux assombris par un secret qu'il semblait porter depuis trop longtemps. Un long silence s'installa, puis, d'une voix lourde, il murmura :
"Alors prépare-toi, Nyx, parce que la vérité que tu cherches va te détruire."
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Ashes of Retribution
RomanceCeux qui ont tout perdu sont ceux qui n'ont plus rien à craindre, ni à perdre