Les chroniques des Fluctuantes

Chapitre 3 : Le dernier jour de jeune sœur - partie 3

Hérodiade et les cryptomanciennes s'éloignèrent en nous abandonnant au bon vouloir de la grande Therggia. J'étais en colère. Je n'avais pas pu faire tomber Erictho à cause de l'isolement et je ne le pouvais pas encore aujourd'hui. J'avais l'impression que le destin s'acharnait contre moi et je sentis une rage monter dans mes veines. Erictho allait devenir une redoutable et je courais à ma perte ! Nous étions seules, sans surveillance et il m'était interdit de me débarrasser de mon ennemie ! Nous nous regardâmes toutes, les yeux pleins de ressentiments et nous savions que nous aurions à lutter entre nous. 

Je ne sais plus qui partit en première mais en une seconde, nous étions toutes dispersées dans le sanctuaire. Je courais à la recherche de quelque chose qui puisse me délier les mains. Je préférais perdre quelques minutes pour me libérer et pouvoir me défendre avec mes armes plutôt que de courir à corps perdu et être une cible sans défense. Je vis alors un rocher à moitié sorti du marécage devant moi. Me tournant sur moi-même, je réussi à envoyer une boule d'énergie sur la tête de roche qui explosa en formant des arêtes tranchantes.

Je sautai d'un ponton et me trainai alors dans l'eau boueuse qui m'arriva à la poitrine. Les cordes qui me liaient n'étaient heureusement pas très épaisses et ma délivrance ne serait qu'une affaire de quelques minutes. Pour m'en débarrasser au plus vite, je concentrai mon énergie dans mes mains. La chaleur de la friction ne me gênait pas trop et je sentais que mes mouvements répétés commençaient à avoir un effet sur les liens. Ils se déchirèrent d'un coup et je fus libre. Je remontai sur le ponton et me remis à courir lorsque je vis Meïsanne se diriger vers le rocher que je venais de quitter pour se libérer. 

Devant moi, Ismène et Samzun jouaient des coudes pour se diriger vers ce qu'elles pensaient être la direction du sanctuaire des élites. Si elles pensaient toutes deux être dans la bonne direction, c'est que ça n'était pas celle pour laquelle je me destinais. Je fis un léger virage dans ma course et me demanda où pouvait bien être le repère des coureuses-réceptacles. Je les imaginais près d'une plaine mais dans un lieu caché, dans un endroit obscur et secret comme une grotte par exemple. Ma course m'entraîna vers les endroits les plus reculés du sanctuaire. Je courus pour traverser la forêt marécageuse et me retrouva à patauger dans l'eau marron. Je devais ralentir pour ne pas me vautrer dans les racines des arbres aux larmes ou encore me prendre les pieds dans les lianes et des nids de chombrasses.

 Ces petites créatures avaient l'habitude de ronger certains troncs d'arbre pour en faire des terriers mais ne supportaient pas les intrus. Je me devais de faire attention à ne pas en rencontrer un, car leurs dents pouvaient facilement m'ouvrir la jambe jusqu'à l'os et étant bouche cousue, je n'aurais aucun moyen d'empêcher mon sang et mon énergie de s'échapper de mon corps. Je ne me voyais pas du tout me transformer en cendre à cause d'un stupide rongeur !

Mes pieds nus s'enfonçaient dans la vase mais cela ne m'empêchait pas de garder une bonne allure. Je l'espérais seulement plus rapide que mes ennemies. La chaleur qui se dégageait de la forêt et mon activité physique avait rendu mes vêtements moites et collants. J'eu de plus en plus de mal à garder un rythme soutenu mais je redoublai d'effort pour ne pas perdre mon avance. J'avais l'impression qu'une sœur me suivait de près et je décidai d'allonger le pas. Je crus voir au travers des bosquets une masse de cheveux gris clair. Le temps pressait. 

J'espérais que mon choix de me détacher ne m'avait pas mise en porte-à-faux pour la place de première coureuse-réceptacle. Je me devais de savoir qui avait choisi la même caste que moi et vite ! Mes pieds commençaient à rencontrer de la terre plus dure et mon allure augmenta de plus belle. Les grottes se rapprochaient. La végétation se faisait moins dense et l'eau moins profonde. J'entendis derrière moi des branches se briser. Je me retournai et vis Vantimille me suivre.