J'observai les symboles de protection gravés sur la porte de notre sanctuaire. Nous étions enfin en sécurité. Le repère des Fluctuantes était abrité par une jungle épaisse qui nous offrait un camouflage efficace contre nos ennemies. De là où je me trouvais, je pouvais apercevoir l'arbre aux mortes qui se situait au cœur d'une plaine inondée et dont la cime dépassait orgueilleusement des remparts. D'une hauteur d'une soixantaine de mètres, ses branches massives abritaient depuis toujours les reliques de mes sœurs mortes au combat, suspendues comme des guirlandes. Ça pouvait être une phalange, un tibia, une mèche de cheveux, un crâne ou encore une fiole de leur cendre. L'arbre géant soutenait également un grand escalier de corde et de bois qui entourait son tronc épais. Il desservait différentes constructions comme une salle de réunion, dite la salle aux mille mots, les appartements de notre Dominante, et tout en haut, les postes de surveillance des redoutables ainsi qu'une salle réservée à la divination des cryptomanciennes.
Hérodiade, dont le nuage de sphères planait toujours au-dessus d'elle, nous invita à traverser le rideau de flammes bleues qui protégeait les portes. Une fois à l'intérieur, je me sentis aussitôt en pleine forme. L'énergie Fluctuante y était si concentrée que je n'avais plus besoin de puiser dans mon propre flux vital. Quelques sorcières se détachèrent du groupe avec l'autorisation de notre Dominante. Elles levèrent les bras et les restes des cinq sœurs tombées au combat s'envolèrent rejoindre nos ancêtres dans les branches de l'arbre aux mortes. Hérodiade fit un signe de tête aux blessées d'aller se soigner dans la maison source.
Cette maison, proche de l'arbre aux mortes autant par sa localisation que par son importance, était commune à l'ensemble des Fluctuantes. Le rez-de-chaussée était formé d'un grand plancher rond de bois rouge percé en son milieu. Le trou laissait voir un sous-sol accessible par un petit escalier ouvragé qui conduisait au nid. Il s'agissait d'une grande cuvette de terre ocre qui se situait au-dessus du plus gros nœud d'énergie du sanctuaire. La cuvette était remplie du fluide bleu de notre déesse et continuellement surveillée par des factions de redoutables en armure. Les deux étages supérieurs, soutenus seulement par des poutres épaisses et gravées de divers symboles d'or et de cuivre, avaient comme rôle de réfectoire et au-dessus, de dortoir commun. Généralement, les hamacs restaient vides car les Fluctuantes dormaient regroupées dans le temple de leur caste. Seules s'y retrouvaient les parias ou celles qui avaient des choses à cacher.
Je vis les combattantes les plus meurtries se plonger entièrement dans le liquide bleu du nid de Therggia, alors que celles aux blessures moindres se contentaient de simplement plonger leurs membres coupés. Autour de l'arbre aux mortes et de la maison source, il y avait de multiples petits bâtiments en terre et en tresses de palmes surplombées d'une toiture de feuilles. Ces habitations de différentes tailles se rejoignaient les unes aux autres par un réseau de pontons de bois ou de cordes au-dessus de la plaine inondée où quelques barques y étaient solidement amarrées. Elles abritaient le plus souvent les centres d'activités ou d'artisanats qui ne pouvaient se passer du flux de notre grande déesse-mère.
Les forges côtoyaient les ateliers d'ébénisteries et d'orfèvreries. Des échoppes vendant plantes médicinales, poisons et autres élixirs faisaient face à notre petit marché local. On y échangeait beaucoup de denrées alimentaires mais également des biens plus rares aux provenances douteuses. Souvent bondés et bruyants, le marché était le pendant aux zones d'entraînements au combat et aux maléfices régulièrement occupées par des redoutables ou des coureuses-réceptacles.
-"Mes sœurs" , dit Hérodiade à la foule, "allez faire vos ablutions et ensuite, rejoignez-moi dans la salle aux mille mots."
Nous nous dispersâmes aussitôt. Le Temple du Bouc, là où les jeunes novices recevaient leur formation, était le seul sanctuaire secondaire à être proche de l'arbre aux mortes. Je me dirigeai vers celui-ci suivie de mes jeunes sœurs. Erictho la sombre me poussa pour entrer dans le temple la première :

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Les chroniques des Fluctuantes
Paranormal"Dans un monde de sorcières avides de pouvoir, une faille et tout bascule. " /!\ ATTENTION HISTOIRE POUVANT HEURTER LA SENSIBILITE /!\ Les dieux ont décidé de jeter une malédiction sur les trois clans de sorcières. Les Fluctuantes, les Obscures et...