Chapitre 3 : Le dernier jour de jeune sœur - partie 2

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Dès le premier coup d'aiguille, la douleur lui fit pousser un grognement sourd. La cérémonie de l'isolement fut carrément de la torture pour les quatre dernières sœurs. Meïsanne tremblait violemment et ses yeux bleu marine devinrent noirs sous la douleur. Galinor, quant à elle, tomba à genoux dès qu'Hérodiade en eut fini avec elle. Les yeux de Mircée se révulsèrent et elle manqua de s'évanouir. Vantimille, la dernière des jeunes sœurs du temple, perdit connaissance et deux cryptomanciennes durent soutenir son corps pour qu'Hérodiade puisse finir de lui entraver la bouche. On nous essuya le menton et on nous enfila une grande tunique blanche avec les symboles des Fluctuantes entourés de ceux de toutes les castes brodées de fils d'or.

-"Les jeunes sœurs vont être rendues à leur temple pour la dernière fois où elles seront enfermées jusqu'à demain."

Les claquements de langues reprirent. Quatre redoutables vinrent vers nous et nous poussèrent vers la sortie de la salle aux mille mots. Nous descendîmes l'escalier de l'arbre aux mortes dans un silence forcé et je vis Manata qui nous attendait, appuyée sur le tronc de l'arbre en contre-bas. Les cryptomanciennes nous laissèrent sous sa surveillance et la vieille nous ramena au temple du bouc. Manata nous y fit toutes rentrer et sans un mot, elle nous y enferma par un sort d'énergie. J'entendis un bruit sourd actionner la fermeture de la porte et la vieille nous lança à travers :

-"Je vous conseille de dormir. Demain, vous aurez une dure journée et assez de temps pour vous égorger..."

Je cru qu'avant de fermer la porte, Manata m'avait lancé un regard moqueur mais la douleur me jouait sûrement des tours. Nous l'entendîmes s'éloigner avec un rire mauvais. J'avais prévu de me débarrasser de mon ennemie mais nous étions enfermés ensemble. Avec autant de témoins, je ne pouvais mener à bien mon projet de duel sans devoir toutes les anéantir. De plus, le flux insufflé par Hérodiade m'avait vidé de toutes mes forces. Je n'avais qu'une seule envie, c'était de m'enterrer pour reprendre de l'énergie. Erictho s'assit dans un coin et commença à se pincer les lèvres. Du sang jaillit de ses plaies et elle l'étala sur sa bouche noire. Elle nous scruta d'un regard mauvais et nous fit comprendre que demain, elle nous écraserait sans aucune pitié.

Malgré mon envie de dormir, je ne voulus pas montrer ma faiblesse aux autres et décidai de m'asseoir près de la porte. Je voulais être la première à sortir pour que cela me donne un avantage. Toutes finirent par s'asseoir, dos aux murs, à surveiller leurs ennemies. Mircée s'était rapprochée de moi. Il était évident qu'elle craignait qu'Erictho n'attende pas le petit jour pour affaiblir certaines d'entre nous. Mircée la grise voulait que je la protège comme nous en avions convenu lors de notre pacte. Ismène et Samzun se méfiaient des autres et peut être aussi de moi. 

Elles décidèrent de se mettre de l'autre côté de la porte. Vantimille se plaça près d'elles et se mit à tracer des cercles dans la terre rouge. Meïsanne et Galinor avaient opté pour une autre tactique. Elles ne restèrent pas avec nous près de l'entrée mais descendirent au purificatoire. Les connaissant, je savais qu'elles allaient essayer de soigner leurs plaies infligées par notre Dominante. Je leur souhaitais bonne chance car il me semblait évident qu'Hérodiade avait envoûté le fils pour que nous ne puissions ni l'arracher, ni nous soigner.

Intérieurement, je considérais déjà l'épreuve des castes commencée. Nous devions passer une nuit entre nous, à lutter contre les alliances et la douleur. Le temps me parut long et la monotonie s'installa. Mes lèvres me lançaient des piques de douleur aigüe. À chaque battement de mon cœur, je ressentais le fantôme de l'aiguille percer ma peau. Je regardais les rayons du soleil qui filtraient à travers un petit trou en haut de la porte pour me rendre compte de l'avancée de la soirée. Nous n'avions eu aucune information concernant l'épreuve de demain et j'avais beau y réfléchir, je ne savais pas comment m'y préparer. 

Les chroniques des FluctuantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant