Chapitre 3 : Le dernier jour de jeune sœur - partie 9

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Je fondis sur elle et frappai du plat de la lune de fer dans son ventre. Canidia fut projetée hors du cercle. Un point pour moi ! Blanche de colère, elle se releva du sol poussiéreux et se remit en place dans le cercle :

-"Tu crois que tu vas t'en sortir avec des tours de passe-passe, pauvre idiote ?

-Des tours de passe-passe ? Comme tu y vas ! Je crois qu'il te reste encore un peu de sable entre les dents..."

Canidia enragea. Elle sauta une seconde fois sur moi mais cette fois, elle m'entraîna dans sa chute. Je roulai par terre pour être loin de son coup de couteau mais elle réussit à m'atteindre le bras. L'énergie contenue dans sa lame m'électrocuta. Heureusement que Canidia se rapprochait des Lumineuses comme moi, sinon je pense que son coup m'aurait assommée et elle aurait eu tout le loisir de finir sa macabre besogne.

-"Un point pour moi !"dit Canidia, rayonnante.

Je me retournai pour comprendre. Merde ! J'avais roulé sur la ligne et étais considérée comme sortie. Une erreur stupide que je n'allais pas refaire. Je me relevai d'un bond et tournai autour du cercle en position de défense.

-"Je sais quel est ton secret", me dit-elle doucement pour que je sois la seule à l'entendre.

Elle fit un bond sur moi et tenta de me planter sa lame dans ma cuisse. Elle cherchait à me déstabiliser. Elle n'avait rien contre moi puisque je n'avais pas de secret.

-"Je vous ai vu... toi... Galinor et notre chère Erictho... dans la forêt lors de l'épreuve des castes..."

Elle sauta sur moi et me cramponna les cheveux pour faire basculer ma tête en arrière. Aussi vite que je le pu, je plaçai la lune de fer sur mon cou pour que sa bolline ne me transperce pas la gorge. Canidia semblait furieuse, non, pire. Elle savait ! Elle pouvait me dénoncer à tout moment ! La crainte m'envahit. Je devais la tuer ! Avec la rage du désespoir, je tentai plusieurs coups d'affilée à grande vitesse. Elle ne put tous les parer et je réussis à l'entailler sérieusement au torse et à l'un de ses bras. 

Mon arme était restée plantée dans l'un de ses avant-bras qu'elle tenait près de son visage. Les pointes de la lune lui piquaient la nuque. Je pensais avoir gagné mais je sentis son couteau pénétrer entre mes côtes. La douleur nous paralysa au même instant, elle réussit néanmoins à me chuchoter :

-"Je rassemblerais des preuves contre toi Meora, et tu devras répondre de tes actes ! Tu as tué l'une des nôtres en brisant les règles de notre Dominante, tu es finie ! C'est le déshonneur assuré pour toi, la victoire pour moi. Je reprendrai la place qui m'est due !

-Que tu crois, Canidia !" répondis-je, décidée à ne pas me laisser intimider. "Tu es sur ma liste aussi. Je te tuerai de la même façon que ta chère Erictho. Je prendrais même plus de temps pour te voir souffrir !"

D'un coup d'épaule dans son menton, je réussi à me dégager. Son arme toujours logée dans mes côtes. Je l'arrachai d'un coup sec et la jeta en dehors du cercle. Tiziris se leva de sa racine et hurla :

-"Changement d'armes pour les deux !"

Nous sortîmes du cercle, remplies de haine et de la volonté d'anéantir l'autre. Ce combat avait quelque chose de salutaire. Canidia se tenait le torse et j'essayais de stopper l'hémorragie de mon flanc. Canidia prit la chaîne de sang. Elle comptait passer à un combat à distance pour éviter d'autres blessures. Je songeais à prendre la lance pour avoir les mêmes avantages qu'elle mais me ravisai. Ce serait la hachette, quoi de mieux pour trancher une corde ? Nous nous replaçâmes dans le cercle quand Ashera résuma qu'il y avait un point partout.

Trop concentrée jusque-là, je n'avais pas réalisé que toutes les tueuses nous regardaient combattre comme s' il s'agissait d'un quelconque spectacle de solstice. Elles claquaient de la langue et des dents selon les actions de leur favorite. Si elles voulaient du spectacle, elles allaient en avoir.

Canidia fit voler une partie de sa chaîne de sang en cercle au-dessus de sa tête et je fendis l'air de droite à gauche avec ma hachette, histoire de la soupeser. Légère et maniable, elle semblait avoir été faite pour moi. Canidia lâcha sa corde qui fondit sur moi comme un serpent et l'anneau me percuta le visage de plein fouet. Je reculai de quelques pas mais pas assez pour sortir du cercle. Le visage ensanglanté mais heureuse d'avoir irrité encore plus Canidia, je fonçai sur elle avec ma hache.

 Canidia prit sa corde à deux mains et la tendit au-dessus de sa tête pour parer mon coup et emprisonna mon bras dans un nœud serré. Le contact de la corde sur ma peau nue me brûla méchamment. Enyo n'avait pas mentis, le sort appliqué sur la chaîne de sang était puissant. Canidia bondit sur le côté, ce qui eut pour effet de me tordre le bras vers l'arrière. J'étais coincée, un genou à terre. Des claquements de langues et de dents retentirent dans toute la salle.

Canidia regardait l'assemblée avec un large sourire de victoire. Le combat semblait fini mais pas pour moi. Ma hachette inutilisable, il me restait encore une autre arme. Je canalisai mon énergie dans les ongles de ma main libre et les plantai d'un coup dans le pied de Canidia qui sursauta de douleur. Elle relâcha un peu la tension de sa corde, juste assez pour me libérer de son emprise. C'était l'occasion ou jamais. Je tranchai sa corde d'un coup de hache et la fit tomber par terre. Ne lui laissant aucun répit, je lui donnai un coup de pied dans le ventre et la fis sortir hors du cercle. La salle se remplit aussitôt de cris et de claquements de langue. Je venais de gagner le respect des toutes les tueuses et confortais ainsi, ma place de première place face à Canidia la pâle.

Trempée de sueur et de sang, je regardais mon adversaire au sol. Une envie folle me prit de l'achever mais je me retins. Je n'avais pas de raison officielle de mettre fin à ses jours. Je ne l'avais pas provoqué en duel et personne n'était aux courants des menaces qu'elle venait de me proférer. Ma victoire était totale. J'étais la première sœur, je venais de la battre devant toute l'assemblée. Elle ne pourrait plus rien contre moi et elle le savait. 

Canidia se releva, rouge de honte et de colère et refusa l'aide de sa marraine pour soigner ses blessures. Elle s'éloigna en me maudissant. J'étais prête enfin à savourer ma victoire. Mes victoires ! Sur Erictho qui nous faisait vivre un enfer depuis toujours. Sur Canidia qui se pensait invincible. Et sur moi. J'étais parvenue à devenir celle que je voulais être. J'étais enfin une première sœur, même si ce n'était pas dans la caste que j'avais choisie. Je poussai un cri libérateur alors que mes aînées venaient me taper le dos et me féliciter. J'avais ça en moi. Le goût du combat et de la victoire sur mes ennemies.

Tiziris ma marraine s'approcha et eut un sourire non dissimulé. Mais au lieu d'y voir un signe de fierté lié à mon combat, elle avait dans ses yeux jaunes une lueur féroce qui ne présageait rien de bon. Elle me félicita à son tour d'une tape dans le dos sans rien dire, ses pensées étaient déjà en train de préparer la suite. Un bruit sourd retentit dans mon crâne. Hérodiade procédait une nouvelle fois au murmure, et je craignais de savoir pourquoi...

J'attendais une nouvelle fois, impatiente sur l'un des bancs de bois sombre de la salle aux mille mots. Canidia était assise près de moi, comme il était obligatoire pour indiquer aux autres sorcières la nouvelle hiérarchie des tueuses. Certaines anciennes me regardèrent avec insistance et je le leur rendais. J'avais juste eu le temps de soigner mes blessures mais mes vêtements étaient restés pleins de sang. Au moins, j'en imposait. 

Mes anciennes sœurs du temple étaient aussi là. Elles semblaient toutes avoir souffert pour leur nouvelle place. Galinor, Mircée et Meïsanne, assises côte à côte près des sorcières élémentaires, ne se regardaient pas et présentaient de vilaines rousseurs sur le visage et les vêtements. Il y avait donc trois nouvelles élémentaires. Les craintes qu'avait soulevées Canidia à Erictho au dortoir lors de leur petite entrevue nocturne étaient donc bien fondées. 

Je me demandai si leur choix de caste avait été fait selon volonté ou si, par stratégie, elles avaient convenu d'une alliance pour vaincre la sombre en cas d'échec de ma part ? Si je n'avais pas eu la peau d'Erictho la sombre, ces trois-là n'auraient eu aucun mal à battre une jeune redoutable en combinant leur force. Mircée avait vraiment pris toutes les précautions nécessaires pour sortir son épingle du jeu... 

Les chroniques des FluctuantesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant