𝕂𝕒𝕪𝕝𝕒

Chapitre 16

La colère monte en moi comme une vague prête à tout détruire sur son passage. Le visage de Maïcha, son sourire timide, son regard devenu si difficile à lire ces derniers temps, tout ça défile dans ma tête. Comment ai-je pu laisser ça arriver ? Maïcha… kidnappée ?

Je serre le volant, mes jointures blanchissent sous la pression. Issa a dit qu'il n’a rien pu faire. Ça, je le crois. Ils étaient sûrement trop nombreux, trop organisés. Mais ça n'efface pas cette rage qui brûle en moi. Je suis flic, bordel ! Et je n'ai pas été capable de protéger ma propre fiancée.

Je repense à la réunion de tout à l’heure. Montero, blessé hier soir, des hommes sous les verrous mais toujours personne pour parler. Et maintenant, ce kidnapping… Ombra a dû vouloir frapper là où ça fait le plus mal. Maïcha n’est pas n’importe qui, elle est le lien entre moi et eux désormais. Une pièce maîtresse pour leur jeu tordu.

Ombra, ça signifie "ombre" en italien. On l’a dit encore et encore pendant la réunion. Montero est italien. On pensait qu'Ombra était un homme de l’ombre, quelqu’un qui tirait les ficelles en coulisse. Mais je commence à me dire qu’il pourrait être plus proche de Montero qu’on ne le pense. Un membre de sa famille ? Un fils caché ? Un partenaire de longue date ? Pourquoi il est resté invisible aussi longtemps ?

Mon téléphone vibre encore. Cette fois, c’est l’équipe du commissariat central. Pas de pistes, rien qui puisse les mener aux ravisseurs. Un coup monté avec une précision diabolique. Le quartier où l'enlèvement a eu lieu était soigneusement choisi : aucun témoin, pas de caméras fonctionnelles.

Je grogne de frustration et tape le volant. Si c’est Ombra, je vais le trouver même s’il faut retourner chaque pierre de cette ville. Maïcha, tiens bon.

Les pneus crissent lorsque j’arrive à l’endroit qu’Issa m’a indiqué. C’est un carrefour désert presque trop calme pour ce qui s’est passé ici quelques heures plus tôt. Issa est là, assis sur un banc, le visage livide, les mains tremblantes. Il se lève dès qu’il me voit, ses yeux rouges trahissant sa culpabilité.

Issa : Je suis désolé, Karim. J’ai vraiment essayé…

Je le prends par les épaules, le secouant légèrement pour qu’il me regarde droit dans les yeux.

Moi : Ce n’est pas de ta faute. Ce n’est pas le moment pour les excuses. On va la retrouver !

Ses yeux se remplissent de larme mais il hoche la tête. Je sais qu’il se sent impuissant comme moi mais il doit rester concentré.

Moi : Dis-moi encore exactement ce qui s’est passé. Tu as vu quelque chose de particulier ? Des détails sur les voitures ?

Issa prend une profonde inspiration, essayant de remettre de l’ordre dans ses pensées.

Issa : Des SUV noirs, sans plaques. Ils étaient trois ou quatre… Je n’ai pas pu voir combien d’hommes mais je crois qu'ils étaient une quinzaine. Ils ont agi tellement vite… Maïcha a essayé de se défendre mais… Ils l’ont frappé. Je… je n’ai pas pu…

Moi : Est-ce qu’ils ont dit quelque chose ? Tu as entendu un nom, un accent, un mot ?

Il secoue la tête, frustré.

Issa : Ils parlaient entre eux mais c’était flou. L’accent… peut-être italien. J’ai entendu un type crier quelque chose comme… ‘Presto’. Je ne suis pas sûr !

Le mot italien fait tilt dans mon esprit. "Presto", ça veut dire "vite". Ça confirme mes soupçons. Ombra. Ce n’est pas qu’un hasard. C’est lui. Cette prise était planifiée, calculé pour me faire mal.

Je me redresse réfléchissant rapidement. Si Ombra l’a prise, il ne la cachera pas n’importe où. Ils ont probablement des repaires bien sécurisés, difficiles à localiser. Mais je sais une chose : si Montero est toujours blessé, ils n’iront pas loin. Il doit avoir besoin de soins et ça peut nous donner une piste.

Moi : On va appeler tout le monde. On doit fouiller les environs, interroger les témoins, vérifier les caméras de surveillance. On va les coincer, Issa !

Je sors mon téléphone pour rappeler mes supérieurs. Mais avant que je puisse composer le numéro, trois voitures de police arrivent. Les renforts que j’avais demandé. L’officier sort et se dirige vers nous, l’air grave.

Officier : Lieutenant, on a récupéré les images d’une caméra de sécurité à quelques kilomètres d’ici. Une des voitures semble avoir été filmée en train de prendre la direction des quais.

Moi : Les quais ?

Officier : Oui, on pense qu’ils pourraient essayer de quitter la ville par bateau.

Mon sang ne fait qu’un tour. Si c’est vrai, il faut agir vite.

Moi : Bien. Dites aux équipes de se rendre sur place immédiatement. Je veux que chaque coin des quais soit surveillé. Ils ne doivent pas s’échapper

Je me tourne vers Issa, lui tapant doucement sur l’épaule.

Moi : On va la retrouver. On n’a plus une minute à perdre

Issa hoche la tête, bien que l'inquiétude ne le quitte pas. Je monte dans ma voiture, prêt à me lancer dans une course contre la montre. Maïcha, tiens bon. Je suis sur le chemin.

Nous arrivons au quai à pleine vitesse, les sirènes hurlant dans la nuit. Les équipes de renfort se dispersent rapidement fouillant chaque bateau, chaque entrepôt. Je descends de la voiture, le cœur battant à tout rompre, mes yeux scrutant l’obscurité pour tenter de déceler un signe, une trace qui indiquerait que Maïcha est là.

Moi : Allez, fouillez tout ! Ils ne doivent pas être loin !

Issa, à mes côtés, est tendu, ses poings serrés, prêt à bondir à la moindre alerte. L’équipe se met au travail, vérifiant les cargaisons, les hangars, les quais. Le bruit des bottes résonne contre les pavés humides alors que je me dirige vers un officier qui sort d’un bâtiment, l’air perplexe.

Officier : Rien, lieutenant. Aucun signe d’activité récente ici. C’est comme si personne n’était passé par là.

Moi : Comment ça, rien ? On a vu leurs voitures prendre cette direction !

Il secoue la tête, hésitant.

Officier : Je sais, mais ça ne colle pas. Tout est trop calme. On dirait une fausse piste !

La frustration monte en moi comme une vague. Je me tourne vers Issa qui commence à comprendre.

Issa : Ils nous ont eus. Ils ont fait exprès de nous envoyer ici pour gagner du temps

Je frappe le capot de la voiture, la colère me submergeant. Ils nous ont devancés et pendant qu’on perdait notre temps ici, Maïcha est quelque part, avec eux. Une douleur sourde me traverse la poitrine. Comment ai-je pu tomber dans leur piège aussi facilement ?

Moi : Ombra…

Tout est calculé. Ce n’est pas un simple kidnapping, c’est une manœuvre. Ils veulent me désorienter, me faire tourner en rond. Et ça marche. Je dois reprendre le contrôle. Je prends une grande respiration, essayant de calmer la tempête intérieure.

Moi : On a fouillé chaque centimètre de cet endroit et rien... Ils ont voulu nous mener en bateau.

Issa se tient à mes côtés, la mâchoire serrée. Je peux sentir la rage monter en lui aussi mais il ne dit rien. Il sait que tout ça n’était qu’un leurre et ça le ronge tout autant que moi.

Moi : Rien à signaler. On remballe. Ils sont déjà loin

Je passe une main sur mon visage, essayant de contenir ma frustration. Ils ont gagné cette manche mais ça ne veut pas dire que c’est fini.

Je me retourne vers Issa.

Moi : On va la retrouver. Ça, je te le promets !

Il hoche la tête, mais je sais que les mots ne suffisent pas. Tout ce que je veux, c’est retrouver Maïcha, saine et sauve. Mais pour ça, il va falloir qu’on joue plus intelligemment qu’eux.

Je regarde une dernière fois le quai désert, puis je me dirige vers la voiture.