Au bord des sens

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Ailee

Mme de Moray -qui avait quitté la pièce - fit irruption, ses mains croisées devant elle, son visage empreint d'une gravité douce. Kenna et moi venions à peine de finir de nous préparer, entourées des servantes qui s'affairaient encore autour de nous. D’un mouvement délicat, la gouvernante nous salua d'un regard attentif.

« Mesdames, je ne pourrai pas assurer les cours aujourd'hui, » annonça-t-elle, sa voix mesurée résonnant doucement dans la chambre. « Le roi et la reine ont sollicité ma présence pour un entretien important. Vous êtes donc libres de vos activités jusqu’à demain. Profitez de cette journée pour vous détendre. »

Je sentis un frisson de liberté parcourir mon dos, et je ne pus m'empêcher de croiser le regard de Kenna, un sourire espiègle naissant au coin de mes lèvres. Nous avions une journée entière devant nous. Une journée entière sans contrainte ? C’était une rare occasion, un monde de possibles. Les yeux de Kenna pétillaient d’un éclat de surprise mêlé à l’excitation. Mme de Moray, d’un geste prompt, nous salua avant de disparaître dans le couloir. Le silence retomba dans la pièce, mais pas pour longtemps.

« Ailee ! » cria Ellen en traversant la porte sans frapper, son énergie débordante précédant sa petite silhouette. « On peut jouer, non ? »

Je laissai échapper un rire, déjà vaincue par la joie de ma jeune sœur. Owen et Mairead arrivèrent derrière elle, leurs petits visages illuminés d’enthousiasme. Il ne me fallut que quelques secondes pour me décider. Je me tournai vers Kenna, et sans un mot, nous partageâmes un sourire complice.

Ce matin-là, nous rejoignîmes mes frères et sœurs dans les jardins du château. L’air frais de la matinée caressait nos visages, et nous nous sommes engagés dans des jeux d’antan, jouant à Colin-Maillard sous les arches fleuries qui faisaient office de refuge secret pour les éclats de rire de mes cadets. Kenna s’adapta à cette ambiance avec une facilité étonnante. Elle courait avec Ellen, jouant à se cacher derrière les statues grecques, tandis que Mairead, d’un air sérieux, s’évertuait à déjouer les pièges de son jeune frère.

Leurs rires cristallins s’élevaient, s’envolant jusqu’au ciel, et mon cœur se remplissait de bonheur. Pourtant, à chaque fois que mon regard croisait celui de Kenna, une chaleur étrange s’éveillait en moi. Une chaleur que je ne pouvais définir, mais qui semblait brûler chaque fois un peu plus fort.

Un peu plus tard, alors que nous reprenions notre souffle, Erine apparut dans les jardins, un grand panier à la main. « J’ai préparé quelques douceurs pour vous deux, Mesdames. Pourquoi ne pas en profiter pour un pique-nique au bord de la rivière ? »

Le panier débordait de douceurs : des fruits frais, des gâteaux moelleux nappés de crème et des jus de fruits parfumés. Les couleurs vives des mets ressemblaient à une promesse de plaisir partagé.

L’idée me séduisit immédiatement. Je connaissais un endroit parfait, un petit coin de paradis près de la rivière, caché par les saules pleureurs. Je me tournai vers Kenna, et elle hocha la tête avec un sourire ravi, comprenant que nous retournions au même endroit qu'hier.

Je remerciai Erine d'un sourire sincère pour la confection de ses douceurs.

Sans tarder nous nous dirigeâmes vers les écuries pour préparer nos chevaux. C’est là que nous tombâmes sur Evan, qui brossait son propre cheval avec application. Il releva la tête à notre approche, un sourire complice sur les lèvres.

« Vous partez en escapade ? » demanda-t-il en riant.

« Oui, Evan, » répondis-je avec un clin d’œil. « Rejoins-moi ce soir dans les jardins. J’ai... quelque chose d’important à te dire. »

𝑳𝒆𝒔 𝑶𝒎𝒃𝒓𝒆𝒔 𝑫𝒖 𝑫𝒆𝒔𝒕𝒊𝒏 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant