Kenna
Royaume de Leinster
Les paysages défilaient devant mes yeux, emportant avec eux Leinster et les souvenirs de mon enfance. Mon pays allait me manquer… Quelques jours auparavant, mon père avait signé un accord avec le roi d'Alba, consolidant l’alliance de nos deux royaumes. Mais cette fortification reposait sur une condition unique : que je devienne la demoiselle de compagnie de la princesse d'Alba.
En tant que cousine du roi de Leinster, je portais le titre de duchesse de Galway. Le destin avait fait de moi une fille, pour le plus grand désespoir de mon père, qui espérait un fils afin de garantir un rang dans la succession du Trône de Leinster.
Ainsi, j'étais condamnée à vivre en Écosse jusqu'au mariage de la princesse, après quoi un époux me serait trouvé. Triste sort. Je savais bien que beaucoup rêvaient de ma place, de vivre dans le luxe et les privilèges. Pourtant, ma vie était dictée par le protocole, me privant de toute liberté d’être celle que je désirais. Depuis mon plus jeune âge, chaque mot, chaque geste, chaque mouvement était mesuré, sans la moindre place pour l'improvisation. Si seulement…
Lorsqu’on m'accordait un peu de répit, je tentais d’échapper à cette réalité à travers la peinture, la musique ou la lecture. Des paysages imaginaires naissaient sous mes pinceaux tandis que je me rêvais servante dans un livre. Et lorsque mes doigts effleuraient les touches du piano, tout disparaissait autour de moi. Chaque mélodie qui s’élevait me transportait plus loin dans mes rêves.
Soudain, le carrosse s'immobilisa, me tirant de mes pensées, et je pris conscience de l’effervescence qui faisait rage autour de moi : les gens se pressaient, hurlant des ordres dans un mélange de cris et de rires, l'odeur de la mer flottant dans l'air. "Nous voilà au port de Wexford," songeai-je.
Le cocher, au visage buriné par le vent et le soleil, ouvrit la portière avec un respect feutré, déplia le marchepied de bois sculpté et me tendit la main, m'aidant à descendre. Devant moi, d'immenses caravelles se dressaient, leurs mâts élancés fendant le ciel dégagé de ce mois de juin, comme des géants défiant les cieux. Je fermai les yeux, laissant les cris des mouettes et le souffle du vent m'envahir, le son des voiles claquant comme des tambours à la brise.
"Madame, nous embarquons sur le Réalta," m'informa ma sous-gouvernante, Madame la comtesse de Dundalk, sa voix claire se mêlant au tumulte environnant.
"Bien, je vous remercie. Dans combien de temps partons-nous ?" lui répondis-je, en scrutant l'horizon où l'eau scintillait sous le soleil, des reflets argentés dansant à sa surface.
"À la fin de la journée, ce qui nous laisse plusieurs heures, Madame. Je vais faire porter vos effets dans votre cabine. Jack vous escortera où vous le désirez," dit-elle, faisant signe à ce dernier d’abandonner les malles qu'il portait, ses muscles tendus sous le poids des bagages. "Je tiens à insister sur le fait qu'il ne faut, sous aucun prétexte, vous éloigner de lui."
"Bien, c'est d'accord," approuvai-je, sentant une légère appréhension dans ma voix.
"Excellent," ajouta-t-elle en se tournant vers Jack, un jeune homme aux traits déterminés et aux yeux vifs. "Je vous fais confiance. Je vous serais gré de surveiller Madame la Duchesse avec toute votre attention."
"Il en va de soi, vous pouvez me faire confiance," la rassura-t-il d’un ton sérieux, son regard promettant une loyauté inébranlable.
Madame de Dundalk s’éclipsa, engloutie par la foule. Je me dirigeai vers un banc face à la mer, mon carnet de dessin sous le bras et Jack à mes côtés. Je commençai à esquisser les bateaux, puis tout le port dans son agitation.
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𝑳𝒆𝒔 𝑶𝒎𝒃𝒓𝒆𝒔 𝑫𝒖 𝑫𝒆𝒔𝒕𝒊𝒏
Roman d'amourDans l'Écosse du 16ème siècle, Ailee, princesse, rêve d'échapper à son destin. Fuir loin de la cour, loin des chaînes qui l'emprisonnent. Mais son cœur vacille lorsqu'elle croise Kenna, une duchesse irlandaise au regard intense et au charme indompt...