𝑳𝒆𝒔 𝑶𝒎𝒃𝒓𝒆𝒔 𝑫𝒖 𝑫𝒆𝒔𝒕𝒊𝒏

Danse des Âmes

AILEE

Je me réveillai lentement, les premiers rayons du soleil filtrant à travers les rideaux, effleurant ma peau comme un doux rappel de la nuit qui venait de s'écouler. L’odeur familière de la chambre, mêlée à un parfum d’iris, me ramenait aux étreintes passionnées que j'avais partagées avec Kenna. Mes yeux se posèrent sur les draps en désordre, témoins silencieux de notre union, et un sourire mélancolique se dessina sur mes lèvres. Mais à ce sourire s’entremêla une douleur sourde, une angoisse, alors que la réalité de ce qui avait eu lieu, et de ce qui m'attendait, se faisait jour.

En ramassant mes vêtements éparpillés, je revivais chaque instant, chaque caresse échangée, chaque souffle partagé. Kenna, son corps délicat, son regard ardent… Je frissonnai en me remémorant ses gestes, ses murmures, la passion qui nous avait unies dans un tourbillon de désir. C'était un souvenir doux-amer, à la fois extatique et déchirant, car je savais que chaque moment de bonheur que j'avais goûté avec elle était empreint d'une fragilité extrême.

Tout en enfilant ma robe, je tendis l’oreille. Le son des touches du piano s’élevait, une mélodie légère et nostalgique qui se mêlait aux battements de mon cœur. C’était Kenna, je le savais. Je déverrouillai la porte, l'ouvris doucement, et me dirigeai vers la terrasse, le besoin de prendre l'air me pressant, comme si l’oxygène frais pouvait dissiper mes doutes.

Dehors, la brise matinale caressait mon visage, et je fermai les yeux, laissant mes pensées vagabonder, emportées par le souffle du vent. Mon esprit se tourna vers le bal, cet instant où tout avait basculé. Je me revoyais, dans cette robe éclatante, entourée de rires et de musique, avant de fuir, le cœur en proie à la panique. La promesse d'une vie unie à un homme que je ne voulais pas, la douleur d'une agression qui me hantait encore.

Pourquoi avais-je fui, me demandai-je, si ce n'était pour me protéger, moi et mes sentiments pour Kenna, si purs et si intenses ? Mais la réalité me rattrapait, à chaque instant, me rappelant que les conséquences de mes choix pesaient lourdement sur mes épaules. Kenna et moi, nous étions désormais liées par une nuit d’extase, mais aussi par une peur grandissante des répercussions de nos actes. L’amour qui me consumait me paraissait à la fois magnifique et périlleux, comme une flamme vacillante prête à s’éteindre au moindre souffle de vent.

La porte s’ouvrit brusquement, me tirant de mes pensées. C'était Mme de Moray, son visage empreint de gravité. "Ailee, nos majestés vous attendent," annonça-t-elle, ses yeux me scrutant avec une inquiétude palpable. "Votre départ précipité a soulevé des questions."

Je déglutis, consciente que le poids de mes secrets allait bientôt se heurter à la force de l’autorité. Mairi, l’une des servantes, entra à son tour, prête à s'affairer autour de moi. "Tu as bonne mine aujourd'hui, ma princesse," lança-t-elle avec un sourire, bien que son regard trahisse une certaine appréhension.

Je lui offris un sourire en retour, bien que mon cœur fût alourdi par ce qui m’attendait. Elle m'aida à revêtir une robe blanche fluide, symbole de pureté, mais qui me semblait aussi lourdement chargé de mes tourments. Mairi s’attela à boucler légèrement mes cheveux, m'attachant une mèche avec un ruban blanc, transformant mon reflet en un spectre d’innocence, alors même que je portais en moi les échos d'une nuit tumultueuse.

Une fois prête, je me dirigeai vers les appartements de mes parents, le cœur battant la chamade, chaque pas résonnant comme un prélude à l'inévitable confrontation. Dans le petit salon, je patientai, le silence pesant autour de moi. Le temps semblait s'étirer, chaque seconde, un rappel de la vérité que j’allais devoir dévoiler.

Lorsque le roi et la reine entrèrent, je les vis s’asseoir sur le canapé en face de moi, leurs visages porteurs d’une préoccupation profonde. Le roi, son regard impassible, prit la parole en premier. "Ailee, pourquoi as-tu fui le bal ?"