Kenna
Le crépuscule s'était étendu comme un voile d'encre sur le château, et chaque ombre, chaque murmure semblait se teinter de tristesse plongeant l'ensemble du domaine dans une obscurité apaisante et inquiétante à la fois. Chaque ombre semblait vivre sa propre mélancolie, et même les brises légères chuchotaient des mots de tristesse. La vérité, déchirante et inéluctable, flottait dans l'air comme une malédiction suspendue: Ailee allait épouser Evan. Cette certitude, qu'elle m'avait déjà confiée, s'était enfoncée dans mon âme comme une épine acérée, un poison lent qui rongeait tout sur son passage. Cette pensée persistait, impitoyable, déchirant tout ce que j'avais cru connaître de l'espoir, me laissant une plaie vive, béante, un vide insondable.
Mon cœur battait à un rythme effréné, incertain, pris dans l'étau de mes propres pensées. La douleur d'une perte avant même qu'elle ne se produise m'envahissait, et mes pas me portaient presque malgré moi, vers la bibliothèque. C'était le seul endroit où je pouvais respirer, l'unique sanctuaire où l'ombre des livres offrait un semblant de réconfort. Le silence y régnait, seulement brisé par le bruissement des pages et le souffle des bougies vacillantes. Mais ce soir, même les mots, ces vieux amis fidèles qui m'avaient toujours apporté la paix, n'étaient plus que des échos lointains de la souffrance qui me consumait. Comme un refuge inutile, la bibliothèque n'était qu'une pièce plus vaste, plus froide, où je m'éteignais lentement. Je me laissai tomber sur les genoux, m'accrochant à la lourde étagère comme pour me retenir. Mes doigts se crispèrent sur le tissu de ma robe, espérant, en vain, contenir la tempête de tourments qui ravageait mon être.
Les larmes, d'abord discrètes, silencieuses, commencèrent à dévaler mes joues, avant de se muer en un torrent incontrôlable. Chaque sanglot semblait un cri intérieur, une confession muette à la vie, à la douleur qui m'étreignait. Elles étaient pleines d'amertume et de regrets, chaque goutte semblant dire adieu à un espoir brisé. Le mariage... Ce mariage était devenu un couperet, une épée suspendue au-dessus de ma tête, une sentence irrévocable qui nous séparait, comme une muraille infranchissable. Mon cœur se brisait à l'idée de la voir, un jour, loin de moi, aux côtés d'un autre, même si cet autre était Evan. Un futur sans elle, sans son regard, sans sa présence, était un avenir de renoncements et de pertes incommensurables.
Un bruissement léger troubla mon isolement, et une voix douce, comme le souffle d'un vent nocturne, me parvint.
-Kenna...
Je levai les yeux, et dans l'encadrement de la porte se tenait Ailee, silhouette fragile sous la lueur tamisée. Elle me regardait avec une tristesse infinie, une miroir de la douleur qui me dévastait. Ses yeux cherchaient les miens avec insistance, avant qu'elle ne s'avance silencieusement, s'agenouillant à mes côtés. Je baissai la tête, honteuse de me montrer ainsi brisée, vulnérable. Mais ses mains, douces et chaudes, vinrent chercher les miennes, les enserrant dans une tendresse silencieuse.
« Pourquoi es-tu ici, seule et en pleurs ? » Sa voix, douce et basse, était comme une brise fragile, pleine d'inquiétude, presque timide, comme si elle redoutait de perturber ce moment d'intimité partagée.
.Je serrai ses mains plus fort, m'accrochant à elle comme à une ancre dans une mer déchaînée, et juttai ces mots qui brûlaient mes lèvres, que je redoutais autant que je ne pouvais plus les contenir.
- Ailee... je... Je ne peux pas supporter l'idée de te perdre ainsi... de te voir... devenir l'épouse d'un autre, même si c'est Evan...
Les mots s'éteignirent dans un silence lourd, presque écrasant, où chaque souffle semblait suspendu. Je sentis une légère tension dans les doigts d'Ailee, comme si ses gestes, sa respiration, portaient aussi cette même souffrance que la mienne. Elle détourna un instant le regard, et dans ses yeux, je perçus l'ombre de la douleur que je portais en moi, bien que dissimulée derrière son masque de résignation. Puis, dans un geste presque furtif, elle sortit une lettre soigneusement pliée de l'intérieur de sa robe. Elle me la tendit, ses doigts effleurant les miens avec une douceur infinie.

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𝑳𝒆𝒔 𝑶𝒎𝒃𝒓𝒆𝒔 𝑫𝒖 𝑫𝒆𝒔𝒕𝒊𝒏
RomanceDans l'Écosse du 16ème siècle, Ailee, princesse, rêve d'échapper à son destin. Fuir loin de la cour, loin des chaînes qui l'emprisonnent. Mais son cœur vacille lorsqu'elle croise Kenna, une duchesse irlandaise au regard intense et au charme indompt...