XVIII - Pluie de minuit

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   En voyant Alexandra embrasser un inconnu, un mélange de colère, de déception et de tristesse monta en Charles. Des larmes étincelantes commencèrent à ruisseler le long de ses joues rougies par les émotions. Pour le Monégasque, cette trahison sonnait comme mille coups de couteau dans le dos. Ne sachant comment réagir, le pilote resta immobile et continua à observer cette scène qui le blessait profondément. Il ne parvenait plus à détacher son regard de l'étreinte que formaient Alexandra et l'homme qui avait usurpé sa place. Pourtant, il voulait s'enfuir le plus loin possible avec son chagrin et ne jamais réapparaître. Mais il n'y arrivait pas : il était là, pétrifié, incapable de faire quoi que ce soit.

   Pierre remarqua que son ami n'était pas dans son état normal et se rapprocha de lui pour le réconforter. Lorsqu'il arriva à son niveau, le Monégasque tourna la tête dans sa direction et le Français comprit en voyant son visage toute la peine qu'il ressentait. Juste en croisant son regard, Pierre avait compris que le cœur de Charles avait été brisé et qu'il ne pouvait pas être réparé, comme si celui-ci était en verre. Il voulut alors le prendre dans ses bras pour le consoler, mais Charles, sans dire un mot, quitta la boîte de nuit en courant. Le Français, surpris par sa réaction, essaya de le suivre à l'extérieur, mais il perdit rapidement sa trace. Il faisait nuit, la pluie s'abattait violemment sur les pavés mouillés de Monaco et seuls quelques rayons argentés transperçaient les sombres nuages pour éclairer les rues de la principauté.

   Mais Pierre s'inquiétait pour son camarade et ne voulait pas le laisser tomber, alors il défia la pluie battante et prit la direction de l'appartement de Charles où il était certain de le retrouver. Après plusieurs minutes de marche, le Français arriva enfin à destination. Par chance, un voisin qui venait tout juste de rentrer dans le bâtiment lui laissa la porte du hall d'entrée ouverte et le jeune homme en profita pour se mettre à l'abri. Pierre était entièrement trempé, tous ses vêtements étaient complètement imbibés d'eau et des gouttes perlaient de ses cheveux, mais il ne perdit aucune seconde et rejoignit l'appartement de Charles.

   Lorsqu'il arriva devant sa porte d'entrée, le pilote remarqua de l'eau qui gisait sur le sol et il comprit alors que son ami était bel et bien rentré chez lui. Mais il s'aperçut que la porte n'était pas fermée, ce qui fit naître en lui une panique immense. Il se précipita à l'intérieur pour vérifier que Charles allait bien et fut immédiatement attiré par la lumière qui provenait de la cuisine. En arrivant dans la pièce, il se retrouva face au Monégasque encore mouillé et totalement frigorifié. Ses coudes étaient appuyés sur la table sur laquelle ses nombreuses larmes venaient s'abattre et sa tête était prisonnière entre ses deux mains. Ses deux yeux brillants reflétaient la silhouette de Pierre qui se tenait quelques pas devant lui. Le Français reconnut le Charles qu'il avait côtoyé à Bahreïn plusieurs mois auparavant. Charles était totalement ivre et plusieurs bouteilles d'alcool vides, sur la table et le sol, l'entouraient.

   Voyant son camarade dans cet état, Pierre se rapprocha du jeune homme et l'aida à se lever, puis l'emmena dans sa chambre. Cette étape ne fut pas de tout repos, car Charles ne parvenait presque plus à garder son équilibre, même en s'appuyant sur Pierre. À peine rentré dans la chambre que le Monégasque s'écroula immédiatement sur le lit. Quant à lui, le Français récupéra une serviette dans la salle de bain et commença à retirer les vêtements mouillés que portait son ami. Il se retrouva devant ce corps qu'il admirait tant, ce corps maintenant dénudé qu'il frottait tendrement pour l'essuyer. Charles grelottait beaucoup, mais il restait si élégant. Sa peau était humide et glacée, mais elle était pourtant si douce. Et ses larmes cristallines étaient si belles à contempler. À cet instant, Pierre était en totale admiration devant la personne qu'il aimait de tout son cœur. Lorsqu'il eut terminé de sécher le Monégasque, il prit de nouveaux vêtements et le rhabilla avec délicatesse. Puis vint son tour de se changer : il se débarrassa de ses habits imbibés d'eau, s'épongea le corps et se vêtit de vêtements secs qui appartenaient à Charles. Son odeur était encore présente dessus, ce qui plut énormément à Pierre qui laissa apparaître un large sourire sur son visage. Il se dirigea ensuite vers la cuisine et remplit d'eau fraîche un verre qu'il déposa juste à côté du Monégasque, sur sa table de nuit. Puis, il s'assit sur le lit et lui chuchota :

« Je vais dormir sur le canapé. Bonne nuit Charles. »

Mais lorsqu'il se releva pour quitter la chambre, il sentit la main de son camarade le retenir en s'accrochant à son poignet. Et comme sortie de nulle part, il entendit une faible voix lui murmurer :

« Je t'aime Pierre... S'il te plaît, reste... »

Ces quelques mots résonnèrent dans la tête du Français qui ne perdit pas de temps pour se glisser sous les draps. Mais en s'installant, Pierre réalisa que Charles était ivre et qu'il n'était donc pas conscient de ce qu'il venait de dire. Le Français passa alors d'une joie immense à une déception sans mesure en seulement quelques secondes. Mais il était trop tard pour aller dormir sur le canapé ; il avait accepté la demande de son ami.

   Les deux hommes se retrouvèrent allongés dos à dos, mais Pierre sentit Charles s'agiter et changer de position. Celui-ci se retourna, passa l'un de ses bras sur la taille du Français et plaça sa main contre sa poitrine pour sentir son cœur battre. Il faufila ensuite son autre bras entre le cou de Pierre et l'oreiller, et vint coller sa tête contre son dos imposant.

« Joyeux anniversaire, chuchota le pilote.

– Avec toi ce soir, mon anniversaire est parfait. » répondit le Monégasque.

Et sur ces mots, les deux pilotes s'endormirent paisiblement, bercés par la mélodie de la forte pluie de minuit.

𝑇ℎ𝑒 𝑅𝑎𝑐𝑒 𝑂𝑓 𝐿𝑜𝑣𝑒 ~ 𝑃𝑖𝑎𝑟𝑙𝑒𝑠Où les histoires vivent. Découvrez maintenant