XV - Colère, amitié et amour secret

186 11 8
                                    

   La trêve estivale prit fin et les Grands Prix reprirent. Le premier fut celui des Pays-Bas, au circuit de Zandvoort.

   Pierre termina ses derniers essais libres de la journée, qui fut particulièrement stressante et éprouvante. Tout ne s'était pas déroulé comme prévu et il avait grandement besoin de se détendre pour se vider l'esprit de tous ses problèmes. Mais avant de pouvoir se reposer, il devait impérativement retrouver son ami Monégasque pour lui parler de son trophée volé qu'il avait retrouvé chez lui plusieurs jours auparavant. Il prit alors la route pour le paddock Ferrari, mais en chemin, il sentit une main se déposer violemment sur son épaule. Avant même qu'il n'ait le temps de se retourner pour vérifier de qui il s'agissait, il fut projeté sur le côté et heurta de plein fouet un mur. L'impact fut si intense qu'il crut s'être cassé un os du bras. La personne qui l'avait poussé, toujours inconnue à Pierre, plaqua le Français contre le mur pour l'immobiliser. Pierre se retrouva alors le dos collé à celui-ci et put sentir sa fraîcheur, ce qui fit frissonner l'entièreté de son corps. Il releva la tête pour vérifier l'identité de la personne qui se trouvait maintenant en face de lui et se décomposa en reconnaissant Charles.

   Celui-ci affichait un regard des plus froids. Pierre pouvait voir à travers ses yeux toute la haine qui emplissait le Monégasque, et il ne parvenait pas à y déceler ne serait-ce qu'une pointe de joie. Charles appuya ses deux mains contre le mur, plaçant ses bras de part et d'autre de la tête du Français. Pierre se retrouva physiquement prisonnier entre son ami et le mur, mais également prisonnier de ses pensées. Car à ce moment présent, il ne pensait qu'à une seule chose, ou plutôt qu'à une seule personne : il ne pensait qu'à Charles. Bien qu'il lui fasse terriblement peur dans cette situation, Pierre ne parvenait pas à détourner son regard de celui de son camarade. Ses yeux bleus étaient constamment ramenés vers les yeux verts du Monégasque, comme s'ils étaient aimantés. Pierre comprit alors qu'il aimait toujours Charles au plus profond de son cœur. S'éloigner de lui et se mettre en couple avec Arthur n'était en fait que de simples arguments pour enfouir la vérité au fin fond de son cœur et de son esprit. Mais cette vérité était remontée à la surface, laissant derrière elle la carcasse de tous ces mensonges qu'il avait crus pendant trop longtemps. Il comprit que l'alchimie entre eux était puissante et représentait tout pour lui, et qu'il n'était rien pour la combattre. Et même s'il parvenait à la briser, il se détruirait par la même occasion, comme il était en train de le faire depuis des mois. Il devait prendre son courage à deux mains et enfin parler à Charles de ses sentiments qu'il gardait cachés depuis bien trop longtemps. Cependant, lui dire maintenant n'était pas vraiment le moment optimal.

   Il pouvait sentir le souffle chaud du Monégasque s'abattre contre son visage. Charles commença à lui crier dessus, et Pierre pouvait sentir toute la colère contenue dans sa voix, mais il n'était pas concentré sur ses paroles. Il était en réalité focalisé sur la beauté de son visage. Il ne pouvait voir autre chose que l'ondulation de ses lèvres et le battement de ses paupières. Porté par une rage indescriptible, Charles ne remarqua même pas que le pilote ne l'écoutait pas, et il continua à lui hurler toute la peine et toute la colère prisonnières en lui. Lorsqu'il eut enfin fini, Pierre, qui n'avait rien suivi depuis le début, resta silencieux. En guise de réponse, il s'approcha un peu plus de son ami, déposa sa tête entre son cou et son épaule, et passa ses deux bras autour de son corps musclé pour l'enlacer. Charles fut surpris par la réaction du pilote, mais se laissa porter par ses gestes qui le calmaient si facilement. Toute sa colère s'évapora instantanément, ne laissant derrière elle qu'une larme d'apaisement qui coula le long de sa joue écarlate. Sans changer de position, Charles lui chuchota à l'oreille :

« Désolé... Je suis désolé de t'avoir hurlé dessus...

– C'est déjà oublié, répondit Pierre. Mais je te mentirais si je te disais que je t'avais écouté lorsque tu étais dans cet état. De quoi parlais-tu ? »

Charles laissa s'échapper un rire en entendant les paroles du Français, et il lui répéta tout, mais cette fois-ci d'un ton bien plus calme :

« Peu de temps après notre séjour en Corse, j'ai reçu une lettre anonyme disant que c'était toi qui avais saccagé mon appartement et volé ma coupe préférée. Mais avec un peu de recul, j'ai été stupide de croire à cette lettre et un vrai idiot de t'avoir cru capable d'une telle chose. Excuse-moi...

– Ce n'est rien. Et pour te consoler, j'ai deux bonnes nouvelles : j'ai bel et bien ton trophée et celui qui me l'a donné m'a aussi laissé un message. Et je pense savoir qui est cette personne qui veut me faire passer pour coupable. »

Le visage de Charles s'illumina en entendant la bonne nouvelle sortir de la bouche de son meilleur ami. Il se sentit renaître, car il ne pouvait se racheter cette coupe, même avec tout l'argent du monde. Pour lui, elle était inestimable et représentait une infinité de souvenirs qui lui étaient très chers. Lorsqu'ils terminèrent leur étreinte, les deux jeunes hommes se retrouvèrent face à face, leur visage très proche l'un de l'autre. Gênés par la situation, tous les deux rougirent et reculèrent d'un pas. Pour briser le silence qui régnait entre eux, Charles demanda :

« Et donc selon toi, qui est la personne qui tente de te faire passer pour le voleur ?

– Accroche-toi bien, répondit Pierre.

– Et pourquoi ça ?

– Car c'est une personne avec qui tu es assez... proche... »

Charles était focalisé sur les paroles de Pierre. Il retenait sa respiration, ayant peur que le prénom que son ami allait prononcer ne soit celui d'une personne avec qui il était ami depuis longtemps.

« Pour moi, c'est Max qui veut me faire porter le chapeau... »

Charles ferma les yeux et laissa s'échapper un long soupir. Le Français crut d'abord que cette réaction décrivait une déception, mais il fut surpris lorsqu'il remarqua un sourire se dessiner sur le visage du Monégasque. Pierre ne s'attendait pas à voir le Monégasque réjoui en entendant le nom du pilote Néerlandais, lui qui pensait qu'ils étaient amis. Charles lui expliqua donc que pour lui, Max ne représentait rien de bien important dans sa vie.

   Après leur altercation, les deux amis décidèrent de faire à pied le trajet pour rentrer à l'hôtel, bien que la nuit commençait déjà à tomber. Ils continuèrent à discuter de tout et de rien, alors que la lune avait totalement pris possession du ciel, éclairant l'obscurité de son éclatante lumière. Les deux hommes en profitèrent pour admirer le ciel peuplé de ses nombreuses étoiles scintillantes. Leurs cheveux s'envolaient dans l'air, emportés par le souffle du vent qui sifflait une magnifique mélodie à leurs oreilles. Ce moment entre eux était magique et aucun mot ne serait assez puissant pour décrire tout le bonheur qu'ils ressentirent ce soir-là. Ils se séparèrent pour rejoindre leur chambre et se couchèrent avec de bons souvenirs en tête, qui leur permettront peut-être de forger leurs rêves de demain.

𝑇ℎ𝑒 𝑅𝑎𝑐𝑒 𝑂𝑓 𝐿𝑜𝑣𝑒 ~ 𝑃𝑖𝑎𝑟𝑙𝑒𝑠Où les histoires vivent. Découvrez maintenant