TRIEB

Prologue

Delta de la Dranse

Mardi 11 novembre 1986

Il prenait son thermos et se servait un gobelet de café. Une fumée rassurante s'en échappait. Gaston Dunand, Gust, pour ses amis les plus proches, attentait avec patience le levé du jour. Dans quelques minutes, l'aube éclaterait le ciel et il rangerait doucement ses affaires. Il avait passé la nuit sur les bords de la Dranse, à la limite du delta, afin de photographier un héron cendré.

Voici quelques semaines, que des rumeurs parlaient du grand retour de l'échassier, sur les rives du Léman, mais jusqu'à présent aucun photographe ou ornithologue n'avaient encore réussi à l'immortaliser. Gust avait fait chou blanc, mais il avait tout de même pris des dizaines de photos, avec son Nikon fraichement acheté et qui avait failli lui coûter son mariage.

Depuis enfant, il vouait une véritable passion aux oiseaux et à la photographie. Et quel plaisir depuis maintenant 6 ans, de venir ici, au delta de la Dranse, désormais réserve naturelle et domaine des ornithologues.

Le ciel prit doucement des allures d'aquarelle, dans les tons roses. Le lac brillait comme des milliers de quartz. L'air était glacial. Une légère brume apparue sur les eaux et il soupirait, en décidant de ranger ses affaires.

Quoi qu'il arrive, il allait devoir rentrer chez lui et faire face à cette grande maison vide. Sa femme, sur un coup de tête, avait décider de partir quelques jours chez sa mère et il avait conscience, que cela n'augurait rien de bon. Son ami Aymeric lui avait confié, que lorsqu'une femme retournait ainsi chez ses parents, il fallait s'attendre à signer les papiers de divorces.

Gust secouait la tête pour chasser cette pensée. Ils s'aimaient depuis le lycée, s'étaient mariés jeune et n'avaient jamais commis la moindre impasse. Il devait garder confiance.

Perdu dans ses pensées, il ne fit pas attention de prime abord, à l'étrange tronc d'arbre, qui venait d'apparaitre sur la plage, en contre bas. Il passait un coup de chiffon sur ses appareils et les rangeaient dans sa sacoche. Il refermait son thermos et finissait de ranger ses affaires. Il entendit le cri d'un grèbe et se retournait machinalement, en direction du lac.

Gust arrêtait son geste et fronçait les sourcils pour mieux voir cet étrange amas de bois. À y mieux regarder, il crut voir une bâche ou du moins du plastique. Il soupirait et levait les yeux aux ciels. Les gens devenaient irresponsables et jetaient n'importe quoi dans les eaux du lac. Il serrait la sangle de son sac et le mit sur son dos. Il se frottait les mains pour se réchauffer et prenait sa sacoche.

Avec précaution, afin de ne pas mettre les pieds dans l'eau, il s'approchait de la forme bizarre qui gisait, sur les galets. Les vagues se fracassèrent contre et une partie du plastique glissait lentement. Il écarquillait soudain les yeux et des milliers de frissons embrassèrent son corps. Avant même qu'il ne le comprenne, il se penchait en avant pour vomir. Il venait de croiser un regard vide.