Chapitre 15 : Labyrinthe d'ombres

6 4 0
                                    

Effie savait qu'elle ne pouvait ignorer la menace implicite de cette lettre mystérieuse. Elle avait travaillé trop dur, sacrifié trop de choses pour que quelqu'un, tapi dans l'ombre, ne compromette son plan et sa quête de justice. L'encre noire et l'écriture de cette lettre ne faisaient qu'attiser sa méfiance, chaque mot y résonnant comme un avertissement.

Les quarante-huit heures qui suivirent se transformèrent en une véritable course contre la montre, une enquête minutieuse où chaque détail comptait. Son appartement du quartier historique de Valmont, habituellement calme et ordonné, devint un centre d'opérations improvisé. Sur le bureau en acajou, s'accumulaient des piles de notes, d'articles découpés, et de photographies.

Chaque nom suspect apparu lors de sa mission contre les Bennett fut inscrit avec soin sur son tableau de liège, ses liens passés étudiés et recoupés. Effie réexamina les derniers mois, retraçant les moindres mouvements de ceux qui avaient pu avoir connaissance de son implication. Ses dossiers du barreau, ses contacts dans les archives de la mairie, les employés de la galerie lors de l'exposition des Bennett, chaque détail était analysé, passé au crible. Des noms étaient ajoutés, d'autres barrés ; une véritable cartographie d'un réseau de possibles failles, dont elle ne soupçonnait même pas l'existence.

James Morris, le technicien audiovisuel de la galerie, représentait sa connexion la plus évidente avec l'opération Bennett. Ancien de la BBC reconverti dans le privé, il gérait les systèmes de la plupart des événements culturels de Valmont. Effie l'avait recruté pour son expertise, mais surtout pour ses dettes de jeu - quarante-trois mille livres qui l'avaient rendu vulnérable à son approche. Une surveillance discrète au King's Arms révéla qu'il n'avait pas changé ses habitudes : même whisky bas de gamme, mêmes plaintes sur son salaire. Cette routine immuable, malgré ses dettes effacées, suggérait soit une innocence totale, soit un talent d'acteur remarquable.

Victoria Chen occupait le poste stratégique de comptable principale des Sinclair. Diplômée de la London School of Economics, elle gérait également les audits pour plusieurs autres familles de l'élite. Son bureau à la Tour Crystalys donnait accès aux transactions les plus sensibles de Valmont. Sa réputation d'intégrité n'avait d'égale que sa discrétion. Une vérification approfondie de son emploi du temps révéla qu'elle suivait un MBA en ligne - ses seules activités suspectes étaient des commandes excessives de cuisine chinoise à emporter.

Emma Davies s'était construit un empire sur les secrets de l'élite. Depuis quinze ans, cette organisatrice d'événements orchestrait chaque réception importante de Valmont. Ancienne de Sotheby's, elle connaissait les goûts et les faiblesses de chaque famille influente. Elle avait notamment géré la soirée des Bennett, coordonnant chaque détail avec une précision militaire. Mais les caméras de l'hôtel George V de Paris confirmaient sa présence dans la capitale française le jour du dépôt de la lettre.

Pierre Laurent régnait sur les cuisines du Valmont Club depuis son ouverture. Formé chez Ducasse, le chef français avait fait de son domaine un observatoire privilégié des tractations de l'élite. Effie savait que Pierre, en tant que chef du Valmont Club, observait et écoutait plus qu'il ne le laissait paraître. Sa position lui offrait un accès direct aux conversations confidentielles des élites, qui, en sa présence, parlaient librement, le considérant presque invisible. Mais ses appels quotidiens à sa famille à Lyon et son obsession pour une étoile Michelin suggéraient d'autres priorités.

Marcus Reynolds, jardinier principal des Blackwood, entretenait également les propriétés de plusieurs familles influentes. Ancien de Kew Gardens, il supervisait depuis vingt ans les jardins les plus prestigieux de Valmont. Sa présence récente près de l'appartement d'Effie s'expliquait par l'entretien saisonnier des parterres du quartier historique. Son journal détaillé de chaque plante révélait une passion exclusive pour l'horticulture.

Le maître des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant