Le maître des ombres

Chapitre 19 : L'ombre d'un piege

Deux semaines après la chute d'Eleanor Blake, Valmont vibrait encore des retombées du scandale. Mais l'élite se remettait déjà, resserrant les rangs autour de ses secrets.

Henry Ashford et Victor Blackwood représentaient la prochaine cible - des hommes dont l'influence s'étendait bien au-delà des frontières de la ville.

La BMW était garée dans l'ombre des chênes centenaires, son noir mat se fondant dans l'obscurité.

À travers la brume, le manoir Winterfield se dressait comme une forteresse victorienne, ses hautes fenêtres projetant des rectangles de lumière dorée sur les jardins à la française.

Une rangée de voitures blindées s'alignait devant l'entrée principale - Bentley, Range Rover, Mercedes aux vitres teintées.

Le genre de véhicules qui transportent des hommes habitués à être protégés.

L'informateur, Marcus Wells, avait fourni des détails d'une précision inquiétante.

Wells, l'ancien directeur financier de Blackwood Industries, avait cette rage authentique des hommes qui ont tout perdu. Licencié, ruiné, puis blacklisté dans toute la ville après avoir posé trop de questions sur certaines irrégularités comptables. Le genre d'homme qui n'avait plus rien à perdre.

Pourtant, quelque chose sonnait faux. Effie observait la scène depuis sa voiture garée trois rues plus loin, ses jumelles hightech balayant méthodiquement le périmètre. La sécurité semblait presque négligente pour une transaction de cette envergure. Deux gardes à l'entrée principale, des caméras de surveillance standard, un protocole d'accès basique. Victor Blackwood, connu pour sa paranoïa maladive en matière de sécurité, n'aurait jamais laissé une opération aussi sensible aussi peu protégée.

Son instinct, affûté par des mois de planification, lui hurlait que c'était un piège. Les mouvements des gardes étaient trop calculés, leurs positions trop exposées - comme s'ils voulaient être vus. Et Wells... Sa rage était réelle, mais sa nervosité depuis deux jours ne ressemblait pas à la tension naturelle d'un homme sur le point de se venger. Elle ressemblait à la culpabilité.

À travers ses jumelles, elle repéra trois reflets suspects sur les toits environnants. Des tireurs d'élite. Dans le hall, deux "agents d'entretien" dont les mouvements trahissaient un entraînement militaire. Et dans le parking souterrain, deux SUV aux vitres teintées venaient d'arriver discrètement.

Blackwood n'avait pas négligé la sécurité. Il l'avait rendue invisible.​​​​​​​​​​​​​​​​

Son téléphone vibra. Numéro masqué.

"N'approche pas. C'est un piège."

Dans ses jumelles, Effie repéra le changement subtil. Des ombres se détachaient de l'obscurité avec une fluidité qui n'appartenait qu'aux professionnels. Leur démarche, leur formation - ce n'était pas de simples agents de sécurité. Anciens des forces spéciales, probablement Blackwater ou similaire. Six silhouettes émergèrent d'abord, puis huit, se déployant en éventail avec une précision chirurgicale.

Nouveau message : "Sortie ouest. Route dégagée. 30 secondes."

Ses doigts pianotèrent sur le volant de la BMW, son esprit analysant chaque option. Les SUV dans le parking se positionnaient maintenant pour bloquer les issues. Sur le toit, les tireurs ajustaient leurs positions. Une goutte de sueur perla sur sa tempe - ils n'étaient pas là pour arrêter un simple échange d'informations. C'était une opération d'élimination.

Le moteur V8 ronronna doucement quand elle tourna la clé. Les pneus s'agrippèrent à l'asphalte détrempé par la pluie. Phares éteints, la voiture se fondit dans l'obscurité.