Prologue

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C'est comme si je venais à peine de naître. Comme si je m'engouffrais dans de l'air. Comme si j'étais brûlée vive dans de l'eau. Qui suis-je? À quelle époque? Pourquoi? Un jour, je me suis éveillée à l'hôpital. C'était la nuit dernière. Je tremble... J'en tremble encore. Je ne reconnais rien. Je ne me souviens de rien. Pourquoi est-ce que je ne me souviens de rien? Je crois avoir au moins 18 ans, peut-être. C'est flou. Je ne me rappelle pas. Soit mon passé a été effacé, soit c'est lui qui m'a effacé de sa réalité. Comment suis-je arrivée ici ? Je n'aime pas cela. J'ai peur! J'ai tellement peur. Et je tremble. De l'eau salée ruisselle, mélodique, sur ma joue. Je respire fort. Mon souffle est lent, comme si j'allais mourir. Je suis terrifiée! Mortifiée! Que m'est-il arrivé? J'ouvre les yeux avec difficulté, comme si on me les avait fermés de force avec du ruban adhésif quelques minutes auparavant. Je regarde, les paupières mi-closes, l'environnement dans lequel je me trouve. Il est là. Contorsionné sur sa chaise de bois vernis, je le sens dormir près de moi depuis mon retour à la réalité. Puis, il ouvre les yeux. Il me regarde, une plaine verdoyante au fond du regard. Son visage, soudain, s'illumine dans la lumière fraîche du matin qui se faufile à travers les carreaux des fenêtres.

Dangereusement, il s'approche. Les battements de mon cœur se mettent à accélérer. Que fait-il? Que compte-t-il faire? Il s'approche de plus en plus vite, comme d'abord hésitant, puis son pas prend de l'assurance. Je ne peux pas me défendre. Je panique presque! Puis, sans crier gare, il ne me frappe pas. Il détourne plutôt son geste pour me prendre dans ses bras. Là, je panique. Quel est ce sentiment inquiétant et si puissant qu'il pourrait rendre agité un paresseux dans une chaleur caniculaire? Dans un violent geste des mains, que j'appuie sur son torse alors que ses bras, déjà positionnés autour de mes épaules, sont prêts à m'écraser, je le repousse, mais je n'ai pas calculé l'étendue de ma force. Il va se fracasser le dos contre le mur devant moi laissant un trou béant sur le papier peint bleuté.

Un son étourdissant retentit, un bruit qui monte et descend dans la tonalité, de plus en plus rapidement, d'une force vertigineuse à écorcher les tympans les plus résistants, puis, une alarme, aussi vive et agaçante que des ongles sur un tableau noir. Le garçon se redresse, le regard dans le vide, confus. Oh non! Je me mets à respirer de façon saccadée. Qu'ai-je fait? Pardonne-moi. Ma joue accueille un nouveau corps, chaud, mouillé, salé, insupportable. Je ne voulais pas. La tête entre les poignets, il s'appuie sur le dossier d'une chaise d'un coude et sur le mur de l'autre pour se relever. Puis, des gens en blouse blanche arrivent dans la pièce à toute vitesse, d'une rapidité presque vertigineuse. Prenant en compte ce fait avec celui que je sois complètement déboussolée depuis mon réveil, mon mal commence à empirer au fur et à mesure que les secondes passent. Les hommes qui s'approchent ont des gants bleus, des masques blancs et l'un d'eux cri :

-IMMOBILISEZ-LA !

Alors que je me débats avec rage, énergie et surtout avec peur, je sens les mains d'un autre m'agripper les bras. J'ai mal! Tellement mal! Va-t-il me tuer? Je dois me montrer forte. Je me débats, de toutes mes forces, de plus bel. Ils ne m'auront pas. Pas vivante! Je me battrai, sans relâche et jusqu'à épuisement s'il le faut. Soudain, j'entends une voix lointaine et épuisée. Une voix jeune, forte et étouffée.

-Que lui arrive-t-il, docteur?

Est-ce le garçon que j'ai blessé qui parle? Mon dieu! Faites en sorte qu'il me pardonne mon acte! Il semble se préoccuper de moi. Pourquoi s'inquiète-il à ce point pour moi après ce que je viens de lui faire subir, le mal que je lui ai infligé? Pourquoi?

-Elle souffre d'amnésie sévère, dit une autre voix plus ancienne, je suis désolé.

De l'amnésie? Qu'est-ce donc? Est-ce douloureux? Est-ce dangereux? Est-ce mortelle? Que va-t-il m'arriver? Où vais-je me retrouver? Tant de questions, alors que je perds le contrôle logique de mon corps et que je deviens trop angoissée et terrifiée pour oser les poser. Soudain, quelque chose me pique, me transperce la peau et un liquide froid, glacé même et terrifiant se met à couler en moi telle une cascade meurtrière. Je me couche sur le dos, maintenant à bout de force. Je n'arrive plus à bouger, vidée, saignée de toute énergie. Paralysée par une peur qui s'intensifie dans ma conscience et le plafond s'assombrit, l'éclairage se tarit puis, le reste du décor s'évanouît dans le néant.

Des souvenirs meurtriersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant