Chapitre 10 : Angoisse!

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Sorah passe sa première nuit dans un endroit où, pour l'instant, elle se sent encore moins à sa place que dans sa maison, où un sentiment effroyable d'insécurité et de malaise la taraude, et qui plus est, en compagnie d'un garçon qu'elle ne connaît pas. Elle sait qu'elle est malheureusement trop puissante et qu'elle n'a rien à craindre des autres. Elle ne sait que trop bien qu'elle pourrait désintégrer la forêt entière si elle n'essayait pas de contenir ses pulsions meurtrières. Elle sait surtout qu'elle n'a aucun contrôle sur elle-même et c'est, en fait, ce qui lui fait le plus peur. Elle ne veut pas que quelqu'un d'autre soit blessé par sa faute, par ses excès d'émotion.

Alors que personne d'autre ne connait sa cachette mise à part Axel, Élizabeth, elle, descend les escaliers à pas de souris, les paupières semi-collées par un sommeil à peine rompu. Elle trouve encore bizarre la manière dont Sorah à dit son surnom, Grenouille, à l'école, quelques heures plus tôt, comme si elle venait de faire la plus grande des découvertes. Elle est surtout triste. Sa meilleure amie disparaît encore une fois. Pour aucune raison. Elle le sent bien que quelque chose à changer en Sorah, elle n'est plus comme avant, elle n'est plus celle qu'elle connaissait. C'est triste de se dire que la seule personne qui a su la comprendre et l'accompagner, qui a su être son amie et le rester durant presque 13 ans, est aujourd'hui comme une étrangère. Si elle-même se sent ainsi, elle n'ose pas imaginer ce que doit ressentir Tomas à cet instant.

Lorsque le pied d'Élizabeth touche le prélart de l'étage principal de la maison, elle entend soudain un grincement sec en provenance de la cuisine, comme si la porte d'une armoire venait d'être refermée. Elle empoigne un chandelier noir à l'apparence de Lumière dans le film la Belle et la Bête, qui était posé sur un buffet en bois orangé bruni, près de l'escalier, retire la chandelle en cire blanche et la repose sur le buffet. Elle retourne ensuite le chandelier pour se retrouver avec la base, la partie la plus solide de l'objet, en guise d'arme. Au cas! Au moment où elle entre dans la cuisine...

-Hey, pose ce truc tu pourrais blesser quelqu'un!

Elle se retourne d'un coup sec, prête à frapper, mais sursaute en voyant Tomas, en caleçon, son épaule et sa hanche droite reposant sur le cadre de porte séparant le couloir de la cuisine et le salon.

-Tu m'as fait peur, qu'est-ce que tu fais debout en pleine nuit? Dit-elle en abaissant l'arme blanche sur le côté de sa cuisse droite.

Elle tourne les yeux et va poser le chandelier sur l'ilot, devant le réfrigérateur. La surface en quartz blanc donne un magnifique effet miroitant et s'accorde merveilleusement avec les murs de la pièce en contrastant avec sa couleur bourgogne métallique. Tomas la rejoint en repassant par le couloir et entre par le seuil donnant sur la salle à manger de l'autre côté. Puis, il s'assied sur un tabouret en bois brossé près de l'ilot central.

-Je fais ce que je veux, je suis chez moi. Je te rappel que c'est toi qui te suis invité. Rétorque Tomas.

Élizabeth lui sert un verre d'eau avant de s'asseoir à son tour à ses côté, sans toute fois le regarder. Ils fixent tous deux le mur qui leur fait face.

-Je sais, je ne pouvais pas te laisser seul après... tout ce qui arrive, dit Élizabeth en tournant légèrement la tête vers Tomas, le regard bas.

-Je le sais, merci! Répond-il. Sorah ne voudrait pas qu'on s'apitoie sur notre sort.

-Ouais, sauf qu'elle n'est pas là, renchérit-elle sèchement.

Tomas ce met à la regarder comme si elle venait d'insulter la reine d'Angleterre.

-Si elle avait pu être là, je suis certain qu'elle le serait.

-Elle pouvait, mais elle a préféré s'enfuir.

Des souvenirs meurtriersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant