Chapitre 7: Elizabeth

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 Lorsque la lumière blanche s'estompe enfin, l'endroit dans lequel je me trouve à présent ne me semble pas moins aveuglant. La pièce, d'un blanc immaculé, me semble sans fin et un miroir, sur un mur, apparaît près du sol au loin.

Je m'approche et au fur et à mesure que j'avance, le cadre miroitant, lui, paraît me fuir. Alors j'avance, pas à pas, d'un rythme constant. Puis, je finis par atteindre l'objet accroché au mur, tout près du plancher blanc et froid. Je m'accroupis doucement et surement pour observer mon reflet. Ce que j'y vois me glace le sang et me réchauffe le cœur à la fois.

C'est le visage d'une fillette d'environ 5 ans qui se révèle à moi. Je repousse du doigt une mèche rebelle et le geste de la gamine est le même. Je passe la main sur ma joue, idem pour la petite. Je ferme alors les paupières pour laisser couler une larme sur ma pommette, puis dans mon cou, et enfin je réalise. Je connais cet enfant, il s'agit de... moi! Moi, plus petite, plus fragile, plus naïve, plus inoffensive. Avec une petite robe rosette, un ruban blanc qui remonte la moitié de mes cheveux et un regard enfantin qui attendrirait n'importe lequel des vieillards les plus grincheux de cette planète. Je vois une version de moi dont je ne me rappelais pas, mais son souvenir, à présent, me fait souffrir.

J'ai l'air tellement heureuse, tellement innocente. Comment ai-je pu changer à ce point? Devenir aussi néfaste pour les gens qui m'entourent aujourd'hui? Bien sur, la perte de ma mémoire a énormément joué sur ce résultat et mes nouveaux dons n'arrangent en rien la situation.

Soudain, derrière mon jeune reflet, j'aperçois une autre gamine que je crois reconnaitre. Ma petite moi se retourne en même temps que je fais volte face. Lorsque je pose les yeux sur l'autre petite, je me vois déjà dans son dos en train de lui tapoter sur l'épaule à l'aide de mon petit doigt fin d'enfant.

-Salut, je dis, je suis Sorah et toi?

-Heu, Elizabeth!

Mon double la prend de force part la main et l'entraine à sa suite.

-Vient on va devenir les meilleures amies du monde, je déclare.

Je mets mes deux mains devant ma bouche et ferme les yeux. Dans un éclat de tristesse, je commence à sangloter alors que mes genoux s'effondrent sur le sol. Des larmes m'échappent et je ne peux plus m'arrêter. Je me souviens de ce moment, ce souvenir me revient en tête dans une explosion d'émotion que je ne peux freiner. C'est mon meilleur souvenir d'Elizabeth, le jour de notre première rencontre, comment ai-je pu accepter de le perdre?

Ma petite version se penche alors dans une position fœtale relative à l'enfance et commence à jouer dans l'herbe pendant qu'Elizabeth regarde par-dessus son épaule.

« -Regarde, un crapaud!

-T'es débile, ce n'est pas un crapaud, ça, c'est une grenouille, me répond froidement ma petite amie.

-C'est toi, la grenouille, je lui lance en tournant la tête.

-Ha ouais? Alors toi t'es un crapaud! »

Un sourire s'élargit sur mon visage en voyant les deux gamines éclatées de rire. Par contre, je ne peux malgré tout retenir ma peine. Le cœur serré, la paume de ma main sur ma bouche avec une pression étouffante, je clos mes yeux de manière tellement forte qu'à force, le temps finirait par me figer. L'eau salé de mes yeux, que j'avais eu tant de mal à contenir, se met à ruisseler sur ma joue tel une cascade infinie.

C'est alors que, je pose ma main droite sur le gravier froid de la cours et découvre un bout de papier glacé. J'ouvre les yeux et aperçois une photo, une image de moi et ma meilleure amie, environ 12 ans chacune, moi l'index et le majeur en –V-, toute souriante, Elizabeth, un pouce vernis noir tiré vers le ciel, suivant la direction que prend son regard.

Cette journée me revient alors en mémoire tel une claque de morse en plein front. C'était le dernier jour du primaire, passage de notre vie que nous avons presque entièrement franchis à deux. Lorsque je lève les yeux, je me retrouve dans la cours arrière d'une petite et ancienne demeure en brique rouge. La maison d'Elizabeth!

Je nous vois toutes les deux en train de finir la photo et mon double range son appareil dans sa poche de manteau. Je venais tout juste d'arriver de l'école car j'étais allé chercher mon relevé de note et j'avais réussi dans toutes les matières. J'étais fière!

« -T'as vu? J'ai passé dans tous les cours! Je lui dis, sans aucun doute trop enthousiaste.

-Ha ouais? Bah c'est rien ça, moi j'ai entre 95% et 100% partout, répond Élizabeth, de sa vantardise que j'avais oublié, en observant mon bulletin de manière hautaine. »

Cela lui ressemble bien. Je ne lui en ai jamais voulu de me parler comme si j'étais idiote, parce que je le savais.

Tout de sorte de souvenirs, à son sujet, me reviennent à l'esprit tel un courant marin dans le sud ou les rapides dans les rivières. Je suis là, debout devant moi et ma meilleure amie d'enfance, une larme perlant sur le coin de mon œil gauche et je me mets à me rappeler tout de sorte de petites choses inutiles et insignifiante, mais qui ont tellement de valeur au font. Un souvenir en particulier me fait sourire malgré ma peine intérieure de penser que j'avais pu l'oublier.

C'était l'hiver, ce moment de l'année où il aurait été possible de confondre une feuille de papier blanc avec ce manteau d'un blanc pure qui recouvre le sol. Nous étions dans la cours, en plein centre d'un cercle de banc de parc, à ce moment non-visible à cause de l'épaisseur extrême qu'avait adopté la neige. Nous créions un appartement fait de neige entièrement et j'avais ris d'Élizabeth cette journée-là, car elle avait décidé de fabriquer une toilette en neige. Avec la chasse d'eau et la boîte de mouchoir sur le dessus. Je n'étais pas mieux, j'avais fait un sofa munit d'un trou pour le journal et un autre pour les ailes de poulet. Enfin, c'est ce que j'avais dis mais il aurait été faisable d'y mettre n'importe quoi.

Je suis sortit de ma rêverie lorsque soudain, sans crier gare et sans même que je n'ai pu suivre la moindre conversation. Mon double et ma meilleure amie décident de rentrée, alors je les suis, mais en passant la porte j'atterris dans un endroit complètement différent. Il y a de la forte musique, des ballons partout, des tables ornées de compositions florales.

« -Viens Grenouille, cri ma voix, on va danser! »

Je tourne la tête et me vois tirer le bras d'Elizabeth vers une piste de bois flottant pour danser. J'ai une robe magnifiquement violette, presque bourgogne, disons... entre les deux! Ma jupe est coupée plus courte devant que derrière et retombe en cascade sur mes jambes. De plus, j'ai une ceinture de pierres brillant telle une aurore boréale dans une nuit chaude. Mon amie, elle, porte une robe à paillette noire avec de jolis motifs brillants ainsi qu'un chapeau sombre aux contours blancs. Bref, nous étions toutes les deux magnifiques et joyeuses. Je me rappels maintenant, c'était le soir de mon bal des finissants de mon école secondaire. Supposé être une soirée inoubliable et unique, c'est ironique, pas vrai?

Je regrette tous ces souvenirs que je ne me suis pas empêché d'oublier. J'aurais aimé revenir en arrière et faire en sorte que cet accident ne se produise jamais, mais c'est impossible. Malheureusement, Maîtresse du Temps est sans doute le seul titre que je ne possède pas, ni maintenant ni jamais.

Puis, d'une noirceur chaleureuse, la pièce empreinte de musique et de danse s'estompe pour laisser place à un flash intense de la même lumière aveuglante qui m'avait fait quitter la réalité quelques heures plus tôt.

Le vrai monde se révèle à moi. Je suis de retour face à ma grenouille blessée, et je lance les larmes au fond du cœur :

-Grenouille!

J'aperçois Tomas, qui s'était déplacé vers Élizabeth pour l'aider à contenir le sang qui s'échappait encore de la plais sur sa main. Ses yeux écarquillés me montrent qu'il a compris le retour de certains souvenirs, mais le regard inquisiteur et confus de mon amie qui me dévisage sans dire un seul mot, me transcende l'âme.

Puis! POOOOW

Unbruit strident et terrifiant de coup de feu me déchire les tympans!


Des souvenirs meurtriersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant