Chapitre 2 : Tomas

33 7 2
                                    


Lorsqu'il m'a dit ce qu'il m'était arrivé, j'ai paniqué, complètement affolée. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire ou subir pendant deux semaines, pour perdre 18 ans de ma vie d'un seul claquement de doigt? Ne pas me souvenir de cette période me terrifie. J'aimerais tant savoir ce qui peut bien s'être produit dans cet entrepôt. Cela répondrait à tellement de questions qui maintenant m'obsèdent, mais dont je ne connais pas encore totalement la nature. Ce fait me trouble.

Le médecin est venu m'examiner à chaque heure depuis son arriver en service. Il m'a dit que je ne devais pas forcer ma mémoire à court terme, même si en ce moment, pour connaitre la vérité, c'est celle qui me serait la plus utile. Il a dit qu'elle devait revenir par elle-même. Seulement, le plus tôt sera le mieux, il faut que je sache pour me sentir un peu mieux, même si j'ai un peu peur de ce que je peux découvrir. La mémoire à long terme, par contre, il a autorisé Tomas à m'en parler. C'est déjà un début. Alors, nous en avons discuté toute la journée.

J'ai appris que j'étudiais dans le collège de la ville dans le domaine des lettres et des communications. Apparemment j'aime bien cela, et j'ai des bonnes notes. Enfin, j'en avais il y a quelques semaines. Maintenant, je ne suis plus sur de pouvoir les honorer. Il m'a dit que j'écrivais beaucoup, des histoires, des poèmes, ce genre de truc, et depuis que je suis toute petite. Je lui parlais de ce qu'il y avait dans ma tête parfois, il a dit que j'avais tout un monde bien à moi et que j'avais un talent certain pour inventer. J'ai l'air d'être une personne plutôt originale dans le genre. Aujourd'hui, j'ignore si c'est la discipline qui me conviendrait le mieux. Ce qui est certain, c'est que l'amnésie est bien la seule chose que je n'aurais pu inventer. Ce dont il me parle à l'air merveilleux. Seulement, rien ne me revient en tête. Tomas me répète qu'avant ma disparition, je croyais en l'existence de toute sorte de choses aux noms étranges, comme les sirènes, les sorcières, les extraterrestres. Je ne sais même pas ce que peuvent être toutes ces créatures. Des jeunes femmes avec une queue de poisson à la place des jambes? De petits bonhommes blêmes à grosse tête? Comment cela peut-il même être imaginé? C'est grotesque et illogique.

Selon lui, je suis tête en l'air, ricaneuse, impatiente, joviale et incertaine, mais je suis concentrée à découvrir ce qui m'est arrivé, je n'ai donc absolument pas envie de rire. Je ne suis pas du tout pressée à quitter l'hôpital, car je ne saurais pas quoi faire du monde extérieur, et je me sens triste d'avoir tout oublié et d'être forcée de tout recommencer. Je ne me retrouve dans aucun des aspects de personnalité qu'il me décrit. J'ai l'affreuse impression de l'entendre parler de quelqu'un d'autre. J'aimerais être cette sœur dont il n'a pas cessé de me parler et j'en suis effondrée. Seul mon côté incertaine semble se confirmer pour le moment.

Tomas m'as dit que j'avais beaucoup d'amis, selon ce que mon moi d'avant l'avait informé. Il ne les connait pas par contre, il ne peut donc même pas me dire leur prénom. Sauf une. Elizabeth Cortez! Elle serait ma meilleure amie depuis au moins 13 ans, d'après ses dires. Ce nom ne me dit absolument rien. Et je me retrouverais juste en face d'elle, je ne la reconnaitrais sans doute pas.

Tomas m'a l'air d'un garçon bien et tout ce que mon regard lui renvoie, c'est de l'incompréhension et du vide. Il est resté avec moi toute la nuit, il est même arrivé deux ou trois fois à me faire rire. Il s'est endormi avant moi d'ailleurs. J'aimerais lui offrir plus de moi qu'une petite sœur dénuée de sens.

Les médecins l'ont laissé resté parce qu'il est de la famille. Il ne doit pas être seul de ma famille. Je dois sans doute avoir des parents, des oncles, des tantes. Il ne m'a parlé d'aucune de ces personnes. Lorsque je lui ai posé des questions sur nos parents, il a frotté ses mains sur ses cuisses, s'est levé et s'est mis à parler de la température caniculaire de ma chambre, que je trouvais, quant à moi, plutôt frisquette. J'ai insisté, appuyant sur le fait qu'il n'était pas forcé de me mentir à cause de mon amnésie. Il m'a dit qu'ils étaient en voyage et qu'il n'avait pas réussi à les joindre. Ma disparition, l'hôpital et mon état mental. Ils ne seraient au courant de rien. Mais quelque chose cloche, il y a une chose qu'il ne me dit pas. Je vois bien qu'il essaie de me protéger de quelque chose, mais j'aimerais qu'il comprenne que n'en ai pas besoin. J'avais l'intention de lui parler ce matin, mais lorsque je me suis réveillée, il s'était envolé.

Des souvenirs meurtriersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant