Sans la moindre amélioration, j'ai passé plusieurs semaines encore à l'hôpital. Nombre de personne ont tenté de venir me voir durant l'absence de Tomas, mais je n'ai accepté la présence de personne, quitte à les décevoir. Encore beaucoup trop déboussolé, je n'ai pas totalement réussi à me reconstruire des piliers suffisamment solides afin de m'y appuyer et de pouvoir avancer. J'ignore encore qui a essayé de me voir, mais je n'avais envie de voir personne de toute manière.
Un couple de grisonnants est venu un jour, ils avaient l'air d'argumenter avec mon médecin traitant. Je les voyais à travers la vitre. L'homme a essayé d'entrer dans ma chambre au bout de cinq minutes de dialogue, impatient. J'avais remonté ma couverture vers mon visage devant le regard triste de la dame qui l'accompagnait. La situation m'avait inquiétée et je crois qu'elle l'a remarqué, parce qu'au moment où le docteur levait la main pour appeler je-ne-sais-qui, la femme a posé la main sur l'épaule de celui que j'avais deviné être son mari, en le tirant légèrement vers elle. Le monsieur s'était retourné vers moi, il avait baissé la tête et ils étaient tous deux repartis sans plus d'histoires. Ces six minutes environ m'avaient semblés les plus tristes et bizarres jusqu'à maintenant.
Malgré tout, j'étais heureuse et impatiente lorsque, hier, mon frère est enfin revenu de son voyage et qu'il est arrivé à la chambre avec un plateau repas rempli de sandwichs sans croûtes, de raisins, et de jus de fruits en boîte. Ce n'était pas la nourriture de l'hôpital, car elle était bonne, comme si tous les aliments avaient été apprêtés par le même ingrédient inidentifiable qui les rend uniques et réconfortants. Je m'en suis pourléché. Tomas n'a pas voulu me dire d'où elle venait, mais je ne m'en suis pas préoccupé. Je me suis régalé et c'est tout ce qui compte.
Ce matin, Tomas a dormi jusqu'à midi. C'est la première fois qu'il dort aussi longtemps à l'hôpital depuis mon réveil. Il doit savoir que je n'ai rien à craindre ici. La nervosité lui faisait cruellement défaut, mais aujourd'hui il semble aller mieux. Bizarrement, sans le connaitre totalement, je me sens en sécurité lorsqu'il est là et je me plais à le voir, les yeux clos, l'air paisible. La lumière de l'après-midi qui plombe sur lui lorsqu'il se réveille soudain, le rend cent fois plus rassurant. Il est mon frère, il est ma famille, il représente le premier pilier de ma vie pour passer au travers du trouble de mémoire qui me ronge.
-Bon midi! Lui dis-je en souriant, assise en indien sur mon lit blanc immaculé de la première lumière du soleil.
Il ouvre très grand les bras et rugit dans un long souffle, le torse bombé, les yeux fermés.
-Salut, tu as bien dormi?
-Très bien et toi aussi à ce que je peux voir, lui réponds-je joyeusement, ce qui me permet d'apercevoir une légère risette sur le coin de ses yeux, alors qu'il s'étire de nouveau d'un grognement heureux.
Quelque seconde plus tard, le médecin entre dans la pièce munit d'un pad de bois avec plusieurs feuilles accrochées à une pince de métal. Il en soulève quelques-unes, puis déclare d'une voix forte :
-Bon, mise à part l'amnésie sévère de mademoiselle, les résultats aux tests effectués sont plutôt encourageants. Aucune autre lésion n'a été relevée. Nous sommes optimistes.
-Quand pourra-t-elle rentrer à la maison? Demande Tomas épris d'un nouvel enthousiasme.
-Dès aujourd'hui, si vous le voulez, mais il faudra faire attention et ne pas pousser mademoiselle à se souvenir rapidement, cela pourrait endommager certaines connexions du cerveau et provoquer des crises.
-En bref, elle doit se reposer. Est-ce préférable de la conduire dans un environnement nouveau ou on peut retourner chez nous?
-Non, c'est positif de l'emmener vivre dans un lieu familier. Vous n'avez besoin que d'une autorisation de sortie que je peux signer immédiatement.
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Des souvenirs meurtriers
FantasyComment réagiriez vous si, d'un seul claquement de doigt, votre vie entière s'envolait en fumée. On m'appelle Sorah Amore, j'ai 18 ans et je ne me souviens de rien. Portée disparue pendant deux semaine, 18 ans de ma vie m'ont été enlevé. Je ne recon...