Chapitre 6 : Tout déboule!

38 5 1
                                    

Le cours à été annulé. Cela fait un certain moment que j'attends, sur un banc, dans le couloir, devant la porte de ma classe, que les infirmiers aient fini de couvrir le corps de ma malheureuse victime. Je me sens comme si mon cœur venait de s'écraser sous un autobus. J'ai l'impression de pleurer devant tout ce qui m'arrive. J'ai envie de m'excuser auprès de ce garçon, mais j'ai la fâcheuse manie, pour l'instant, d'agir de façon instinctive et ensuite, d'éprouver des remords. Maintenant, il est trop tard pour demander pardon et malgré tout ce que je pourrai dire, les faits demeurent intacts. Je l'ai tué et je ne pourrai jamais me le pardonner. À cause de ces dons que je n'ai pas demandés, j'ai commis un acte irréparable qui me hantera pour le reste de ma vie. Je croyais pouvoir être en mesure de les ignorer, mais je me suis largement fourvoyé. Pourquoi ai-je un instinct à ce point violent? La réponse a-t-elle un lien avec les souvenirs que j'ai perdus? Pourquoi ne pourrai-je pas être, tout simplement, une adolescente comme les autres. Sans passé trouble, sans histoire. J'ai bien l'impression qu'une vie simple, pour moi, ce n'est déjà plus possible ou envisageable.

Soudain, une bande de filles arrivent à ma hauteur et s'assises près de moi, les bras croisés.

-Pourquoi t'as fait ça, Soso? Me demande une blonde au teint mat, aux yeux d'un bleu océan, des boudins dans les cheveux, un jean bleu poudre déchiré à certain endroits et un t-shirt noir qui fait croisé devant et laisse la moitié de son dos à l'air libre. Tu peux nous dire ce que Luc t'as fait?

-Luc, je dis, saisissant le nom de ce garçon dans ma tête.

-Oui, Luc! Le garçon que t'as froidement fais valser dans les airs, tu te souviens? Me dit une autre fille, cette fois brune avec des yeux marron, un t-shirt bleu marin, une veste de cuir noir et un leggin de la même couleur.

Malheureusement, bien sur que je me souviens, c'est un souvenir qui restera sans aucun doute gravé dans ma tête à jamais.

-Ce n'était pas intentionnel, j'ai été surprise, il n'avait qu'a pas mettre sa main dans mes cheveux, dis-je, sur une défensive presque rageuse.

En fait, j'essaie de me trouver des excuses, pour minimiser ce que j'ai fait. Me donner une impression moindre d'être un monstre, d'avoir agit tel un monstre. Malgré tout, cela ne changera rien. Je pourrais passer des heures à crier de toutes mes forces que cela n'était qu'un pauvre et malheureux accident, le garçon ne reviendra pas à la vie pour expliquer le contexte de la situation, ou ne serait-ce que pour m'accorder un pardon que je ne mérite sans doute pas. Je lui ai offert, sans le vouloir, un billet pour un voyage dont il n'était surement pas prêt à faire et duquel il ne reviendra pas.

-Arrête, Soso, me répond la blonde. Luc a toujours fait ça et cela ne t'a jamais dérangé.

Une larme se met à couler sur sa joue et les autres filles baissent la tête.

-Tout ça, cette violence, ça ne te ressemble pas, tu n'as jamais fait ça. Je ne te connais plus! Je ne sais pas qui se cache sous l'apparence de notre amie, mais tu n'es pas celle qu'on connait!

-C'était un accident, je n'ai jamais voulu ça, je dis, presque au bord de la crise nerveuse.

Je les défis du regard, à la recherche d'un infime signe de confiance envers ma personne. Comment puis-je espérer qu'elles me croient? J'ai attaqué Luc devant leurs yeux. La blonde fini par baisser la tête à son tour, et les trois filles se lèvent, tout simplement, sans dire un seul mot, puis partent. Leur regard défait, c'est exactement ce que j'avais peur de voir. J'étais leur amie avant de disparaître et même si je ne ressens aucun lien affectif à leur égard, je me sens tout de même coupable. Tout autant que mon frère, coupable de les avoir oubliés. Coupable de les faire souffrir, en ce moment précis. Coupable de ne pas pouvoir leur expliquer la réelle raison caché derrière cette acte. Je ne savais pas que Luc faisait toujours cela, je n'ai pas reconnu sa présence derrière mon dos, car je n'ai aucun souvenir de lui. Dans ma tête, c'est un geste de défense, mais dans la leur, c'est sans doute un acte de pure violence complètement gratuite. Tomas devait avoir raison, c'était trop tôt pour moi de revenir ici.

Des souvenirs meurtriersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant