Dans les bras d'un monstre

Chapitre 13

Tout était silencieux et ce fut sa première pensée quand elle tenta d'ouvrir les paupières. Un vent chaud caressa ses joues gelées et quand elle pressa machinalement ses orteils elle eut l'impression ou plutôt la sensation que quelque chose recouvrait ses pieds. 

Freya resta immobile, refusant d'ouvrir les yeux immédiatement alors que sa tête était encore lancinante, mais pas assez pour oublier. 

Elle se souvenait de tout jusqu'aux sons des chaussures sur les graviers. 

Elle sentit sur son corps figé une couverture et la remonta instinctivement jusqu'à sa joue avec le bout de ses doigts tremblants.

Pendant de longues minutes elle crut revivre le premier jour de sa captivité.

Profondément troublée par les ressemblances, Freya souleva les paupières et crut reconnaître la couleur immaculée des draps. 

Un léger soupir tremblant s'échappa de ses lèvres avant qu'elle décide d'écarter les draps de son visage. Tout devint alors plus clair même si un brouillard assez flou recouvrait ses yeux. La gorge serrée et se redressa en appuyant tout le poids de son corps lourd sur son avant-bras.

Elle se frotta les yeux pour être certaine que c'était bien la réalité et non une hallucination.

Les battements de son cœur se mirent à pulser jusque dans son cou raide et douloureux. La respiration sifflante de peur, elle reconnut l'endroit qui n'avait pas changé, mais remarqua un détail qui la tétanisa. 

La porte qui d'ordinaire était verrouillée ne l'était pas.

La bouche sèche, elle baissa les yeux sur ses pieds recouverts de bandes blanches et remarqua également qu'elle portait encore sa chemise de nuit.

En une fraction de seconde tout avait basculé. Une simple décision l'avait ramené au commencement.

Il était sans doute là quelque part et le plus effrayant c'est qu'elle réalisa que l'endroit où il l'avait tenue captive depuis sept ans n'était peut-être pas si loin de Lancaster.

Malgré la peur qui lui arrachait des sanglots, une partie d'elle essayait de réveiller cette petite voix qui pendant sept ans avait su la calmer quand la peur qu'il la tue était trop forte.

Alors elle se leva en fixant la porte et marcha dans sa direction comme happée par celle-ci. Chaque pas l'empêchait un peu plus de respirer parce qu'elle craignait de la franchir. 

Arrivée au seuil, elle s'arrêta et se retint à l'encadrement de la porte en regardant le grand salon qui lui aussi n'avait pas changé. 

La cheminée crépitait comme dans ses souvenirs empêchant le silence abyssal de s'installer totalement.

Progressivement elle quitta cette chambre d'elle-même pour la première fois alors qu'elle s'attendait à le voir apparaître de nulle part. Son cœur vibrait dans chaque fibre de son corps et ses tempes étaient si douloureuses qu'elle se retenait en vain de vaciller.

Pourquoi l'avait-il ramené ? 

Que voulait-il ? 

N'ayant aucune réponse, elle tourna sur elle-même et son regard s'arrêta brusquement sur le piano.

Son souffle se coupa tandis que les images  l'envahissaient progressivement.

Comme happée par ce dernier et les souvenirs qui l'accompagnaient, Freya s'avança jusqu'à lui et lorsqu'elle l'atteignit elle le toucha avec la naissance de ses doigts en ayant l'impression d'entendre les mélodies qu'elle avait jouées par le passé.