Le génie

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La loge de Némésis ressemblait à un champ de bataille. Le sang séché marquait le sol, les murs et les meubles, dessinant des traces chaotiques de son combat pour survivre. Des bandes de gaze usées gisaient en boule au sol, imbibées de rouge, tandis que des bouteilles d'alcool, à moitié vides, étaient éparpillées çà et là. L'odeur âcre de l'éthanol se mêlait à celle du fer et de la sueur, créant une atmosphère suffocante.

Sur la coiffeuse, l'aiguille et le fil ensanglantés trônaient comme des preuves de son acharnement. Le miroir portait les empreintes de ses mains tremblantes, marquant à quel point chaque point de suture avait été un calvaire. Malgré tout, Némésis avait réussi à recoudre sa plaie béante au ventre, tout comme l'impact à son épaule, où la balle avait traversé. Mais cela n'avait pas été sans conséquences. Chaque coup d'aiguille avait arraché des cris qu'elle avait tenté d'étouffer, jusqu'à ce que son corps finisse par céder.

Elle s'était effondrée sur le canapé de sa loge, les bras ballants, épuisée par cette lutte contre la mort. Sa respiration avait été irrégulière, ses yeux fermés sur des rêves fiévreux. Pendant des heures, elle avait sombré dans une inconscience inquiétante, son corps se battant désespérément contre l'infection qui commençait à s'installer.

Trois heures après son réveil...

Némésis était réveillée, mais elle ressemblait à une ombre d'elle-même. Sa peau, d'ordinaire pâle, était maintenant d'un blanc cadavérique. Ses lèvres avaient perdu toute couleur, et ses yeux étaient voilés par une fièvre grandissante. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front, glissant sur ses joues avant de se perdre dans son cou. Sa robe déchirée collait à son corps humide, et ses cheveux étaient emmêlés, collés contre sa nuque trempée.

Elle respirait par saccades, les lèvres tremblantes, chaque souffle semblant lui demander un effort titanesque. Pourtant, malgré son état critique, elle s'obstinait à rester consciente, son esprit brouillé oscillant entre la réalité et un délire naissant. Ses mains tremblaient si violemment qu'elle ne pouvait plus les contrôler.

Varek, assis à quelques pas d'elle, regardait la scène avec une inquiétude croissante. Depuis qu'elle s'était réveillée, sa fièvre n'avait cessé d'augmenter. Il avait tenté de lui donner de l'eau, de l'alcool, n'importe quoi pour apaiser ses souffrances, mais elle avait tout refusé, murmurant des mots incohérents entre ses gémissements.

Quand il avait vu que la situation ne s'améliorait pas, Varek avait pris une décision qu'il savait risquée : il avait fait venir un médecin. Cependant, lorsque ce dernier était arrivé, Némésis avait immédiatement réagi avec une agressivité inattendue.

« Ne me touche pas ! » avait-elle crié, sa voix rauque et cassée. « Je... je m'en sortirai. J'ai pas besoin de toi ! »

Le médecin, un homme d'une cinquantaine d'années, avait levé les mains en signe de reddition, se tournant vers Varek. « Elle est en train de se tuer, » avait-il soufflé. « Cette fièvre va la dévorer vivante si elle n'est pas soignée rapidement. »

Varek était déchiré. Il voulait la forcer à se laisser soigner, mais il savait qu'avec son caractère, elle se débattrait au risque d'aggraver encore son état. Alors il s'était assis près d'elle, les mains dans ses cheveux, incapable de trouver une solution.

Pendant ce temps, Némésis continuait de trembler, sa respiration saccadée remplissant la pièce. Ses lèvres murmuraient des phrases sans suite, des fragments de souvenirs ou de pensées qu'elle ne pouvait articuler clairement. Ses doigts griffaient parfois les accoudoirs du canapé, tandis qu'elle se recroquevillait sur elle-même, en proie à une douleur qu'elle tentait vainement de masquer.

Les Arcanes VagabondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant