Les Arcanes Vagabondes

Un désastre

Le jour s'était déjà bien installé quand Némésis émergea, la lumière tamisée du soir pénétrant par les rideaux entrouverts. Il était en 17h. Un mal de crâne intense lui foudroya l'esprit dès qu'elle ouvrit les yeux, ses pensées embrouillées, comme si la nuit précédente s'était transformée en un rêve flou et oppressant. Elle se sentit immédiatement prise de vertige. Un frisson de douleur traversa son corps, et avant même qu'elle n'ait eu le temps de réagir, elle roula sur le côté, l'estomac se contractant douloureusement.

Le son familier de ses lèvres se heurtant à la dureté du sol résonna dans la pièce alors qu'elle vomissait, son corps secoué par des spasmes violents. Le goût amer du vomi sur ses lèvres, le sel de la sueur sur son front, tout lui rappela l'enfer de la nuit dernière. Elle gémit en se repliant sur elle-même, se tenant le ventre. Chaque mouvement, chaque respiration, semblait réveiller une douleur aiguë à travers ses muscles endoloris et ses hématomes.

Elle se redressa lentement, le monde tournant autour d'elle, cherchant désespérément un moyen d'échapper à cette torture. Ses mains tremblaient alors qu'elle caressait son ventre, tentant de calmer l'inconfort qui semblait percer sa peau de l'intérieur. Une douleur encore plus intense irradiait de son cou, là où les doigts du garde l'avaient serrée, et elle se surprit à toucher les marques, frissonner sous l'effet du souvenir.

Elle se redressa péniblement, les jambes vacillantes sous elle. La tête lui tournait encore, et chaque pas vers la salle de bain semblait un défi insurmontable. Mais elle n'avait d'autre choix que de se lever. Elle traîna ses pieds jusqu'au lavabo, jetant de l'eau froide sur son visage en espérant pouvoir effacer les traces de la nuit précédente, mais la sensation de malaise ne disparaissait pas. L'eau glacée n'était qu'une maigre consolation face à la fatigue et la douleur qui l'envahissaient.

Les bras croisés sur sa poitrine, Némésis s'appuya contre le miroir, observant son reflet. Ses yeux étaient cernés, la peau décolorée et son visage marqué par des coups et des blessures. Le chaos de la veille semblait gravé dans sa chair, la dévastation d'une soirée qu'elle aurait voulu effacer.

Elle cligna des yeux, fixant ses hématomes, et la réalité s'imposa à elle : tout ce qu'elle avait vécu la veille, les décisions qu'elle avait prises, les gestes violents. Elle secoua la tête, essayant de chasser les souvenirs de son esprit. Mais quelque part au fond d'elle, elle savait que ces marques ne disparaîtraient jamais complètement, et que la douleur physique n'était qu'une petite partie du tourment qu'elle portait désormais en elle.

Némésis entra dans la douche, l'esprit embrumé, le corps douloureux, chaque pas une lutte contre la lassitude et le poids des souvenirs. Elle tourna le robinet à fond, l'eau brûlante jaillissant immédiatement, et se glissa sous le jet sans attendre. La chaleur intense l'enveloppa, frappant sa peau tuméfiée, rouvrant des douleurs oubliées, mais elle n'y prêta aucune attention.

Elle s'assit lentement contre le mur carrelé, les genoux repliés, laissant l'eau couler sur elle comme une tentative désespérée de laver plus que la saleté ou le sang. Elle espérait que l'eau puisse effacer les souvenirs, étouffer les sensations.

Son visage dans ses mains, elle poussa un soupir tremblant, et les souvenirs de la veille s'imposèrent à elle, implacables.

Le laboratoire. Viktor.

Elle se redressa légèrement, le cœur battant plus vite rien qu'en y pensant.

- Ce n'était pas toi, c'était l'alcool, murmura-t-elle pour elle-même, secouant doucement la tête. Rien de tout ça ne serait arrivé si j'avais pas bu et si je ne m'étais pas défoncée comme une idiote.