Les lumières tamisées moururent peu à peu, laissant une pénombre vibrante s'emparer du club. Seul un projecteur, d'un rouge intense comme un cœur battant, éclairait la scène où la cage de métal attendait son petit oisillon. La musique changea soudain, des basses lourdes, rythmées, emplissant l'air comme un grondement sous la peau. Tous les regards, assoiffés et impatients, se tournèrent vers la scène.
Enfin elle apparut, Némésis, la star du club, glissant dans la lumière comme un rêve brûlant. Ses cheveux roux, cascades ardentes, ondulaient à chacun de ses pas. Elle portait un corset noir orné de pierres scintillantes qui captaient chaque éclat de lumière, et une jupe légère qui ne faisait qu'accentuer ses mouvements félins. Elle entra dans sa cage, un sourire indéchiffrable aux lèvres, une main gantée caressant les barreaux d'un geste provoquant comme si elle en avait le contrôle absolu.
La musique monta en intensité. Lentement et avec sensualité, la rouquine commença à danser. Chaque geste était un mélange de grâce et de provocation : ses hanches ondulaient au rythme de la musique, ses bras traçaient des lignes aériennes, et son regard, à la fois distant et envoûtant, ne laissait aucun doute sur sa maîtrise totale de la scène. Elle n'était plus une simple femme, mais une créature envoûtante, une sirène.
Les billets commencèrent à pleuvoir, glissant entre les barreaux de la cage. Des hommes hurlaient son nom, d'autres restaient silencieux, hypnotisés. Ils pouvaient l'admirer, la désirer, mais elle restait intouchable, une muse qu'ils ne pourraient jamais atteindre. Certains se contentais d'un sourire carnassier.
Elle les connaissait, ces sourires. Trop bien.
Elle soutenait leurs regards, défiant, presque moqueuse. C'était un jeu qu'elle maîtrisait à la perfection : les séduire
sans jamais se laisser atteindre. Pourtant, ce soir-la, alors qu'un homme au coin de la salle la fixait avec une intensité troublante, son esprit vacilla. Comme presque chaque soir.Un éclat, une image enfouie jaillit dans son esprit. Une main rugueuse qui agrippe son poignet, un murmure doucereux qui se glisse dans son oreille.
"Tu es spéciale, mon enfant. Si fragile, si parfaite. Ta peau est si douce. Spéciale.. oh oui, si spéciale. »Elle ferma les yeux un instant, tournant sur elle-même dans la cage, faisant mine de s'abandonner à la musique. Mais ce n'était qu'un masque. Une brume glaciale envahissait ses pensées, ramenant cette nuit où plutôt, toutes ces nuits qu'elle avait juré d'oublier.
Elle se revit, à treize ans, enfermée dans cette pièce, dans cette maison où les ombres semblaient dévorer les murs. Lui, cet homme qu'elle avait cru être un protecteur, quelqu'un de sûr dans ce monde chaotique. Et pourtant, ce qu'il lui avait pris..
Un frisson la parcourut alors qu'elle dansait, mais elle ne s'arrêta pas. Elle ne s'arrêtait jamais. Elle leva les bras, laissant la lumière jouer sur ses courbes qu'ils idolâtraient, mais au fond d'elle, elle n'était qu'un vide. Un corps en mouvement. Une façade. Un robot.
"Ils ne te touchent pas. Ils ne te touchent pas." Elle se répétait cette phrase comme un mantra. Cette cage n'était pas seulement pour le spectacle. Elle était son sanctuaire, son bouclier. Un rappel qu'ici, personne ne pouvait l'atteindre.
Son regard glissa vers ses mains gantées, s'agrippant aux barreaux de la cage. Elle dansait pour eux, mais ces gants, eux, dansaient pour elle. Chaque fois qu'elle les enfilait, c'était comme effacer un peu plus ce passé. Effacer la brûlure de ce contact, ces mains qui l'avaient brisée, touchée, violé.
Quand elle ouvrit de nouveau les yeux, son regard balaya la foule. Ces hommes...
Ils croyaient la posséder d'un simple
regard. Mais aucun d'eux ne pouvait l'avoir. Aucun d'eux ne pouvait la toucher.Elle dansait pour eux, oui. Mais elle dansait surtout pour elle-même. Pour se
rappeler qu'elle était encore debout.Mais pourtant..
Tout remontait à lui.
Cet homme, qui un jour avait promis de la protéger, de la garder en sécurité. Ce même homme qui, sous le couvert de la nuit, avait arraché son monde en un instant.
Trop jeune pour comprendre que la douceur peut cacher des griffes, que les sourires peuvent devenir des rictus de prédateurs. Ce qu'il lui avait fait subir toutes ces nuits..
Une douleur sourde, un vide creusé dans son âme. Une brûlure qui ne s'était jamais éteinte.
Depuis ce jour, le contact physique n'était plus un geste anodin, mais une agression potentielle. Une menace.
Oh oui, si spéciale.
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Les Arcanes Vagabondes
FanficElle danse au cœur des ténèbres, dans un monde où la lumière ne brille qu'en fragments. Zaun l'a forgée, rude et intrépide, mais derrière ses gants de velours se cache une peur ancienne, celle de toucher et d'être touchée. Lui, c'est Viktor. Une âme...